Veille législative et réglementaire protection sociale- mai 2023
Chaque mois, nous effectuons une veille du journal officiel et du Bulletin officiel. Vous trouverez ici celle du mois de mai 2023.
Fonction publique
COVID : Suspension de l’obligation vaccinale s’imposant à certains agents
Le Décret n°2023-368 du 13 mai 2023 prévoit la suspension de l’obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021. Depuis l’entrée en vigueur de ce texte, le 15 mai 2023, les agents suspendus en raison du non-respect de l’obligation vaccinale durant la crise COVID peuvent donc être réaffectés.
L’instruction du 2 mai 2023 précise qu’il revient aux chefs d’établissements de contacter sous deux-semaines chaque professionnel suspendu pour signifier la fin de la suspension, et si possible, lui indiquer le poste d’affectation et la date de reprise du travail. L’agent peut également contacter l’établissement pour lui signifier son intention de reprendre son activité.
La fin de suspension entraîne l’obligation de rémunérer les agents, y compris entre la date de fin de suspension et la réaffectation dans l’emploi. Il est rappelé que les périodes non travaillées au regard de la suspension pour non-respect de l’obligation vaccinale ne peuvent donner lieu à aucune rémunération.
Par principe, l’agent suspendu a le droit de reprendre ses fonctions sur le poste qu’il occupait ou sur un emploi équivalent au sein de l’établissement, sous conditions. Dans l’hypothèse où la perspective de réaffectation d’un agent suspendu suscite des troubles au sein du service, un changement d’affectation dans l’intérêt du service peut être envisagé. Pour les contractuels, si le contrat est encore en cours d’exécution lors de la levée de l’obligation, le praticien contractuel reprend son poste. Si le contrat est arrivé à échéance pendant la période de validité de l’obligation vaccinale, il n’y a plus de lien entre l’établissement et le praticien.
En cas de refus de poste, l’agent peut faire l’objet d’une radiation des cadres (fonctionnaire) ou des effectifs (pour un contractuel) pour abandon de poste sans que la procédure disciplinaire ne doive être engagée mais seulement après mise en demeure, selon la procédure de droit commun.
L’agent suspendu ne peut se prévaloir d’aucune reconstitution de sa carrière pendant la période durant laquelle il a été écarté du service (droit à l’avancement ou aux promotions internes ; traitements ; congés ; reconstitution des droits sociaux).
Tous les agents peuvent faire appel au dispositif de médiation national dans le cadre de relations professionnelles difficiles ou des conflits interpersonnels/institutionnels pour la mise en place une mission d’appui, de conseil ou d’accompagnement à la reprise d’activité de personnels ayant fait l’objet d’un éloignement long du service consécutif ou en prévention de telles difficultés pour restaurer écoute et dialogue.
Il est enfin rappelé que si le retour de l’agent s’avère impossible ou conflictuel, par exemple en cas de désaccord avec l’affectation qui lui a été notifiée ou d’impossibilité de trouver une nouvelle affectation correspondant à son grade, il reste possible de convenir d’une rupture conventionnelle.
Articulation entre l’exercice du pouvoir hiérarchique et l’accident de service
Le fait pour un supérieur hiérarchique d’indiquer à l’agent que sa présence n’est pas souhaitée à une réunion n’est pas suffisant pour caractériser un accident de service.
Dans sa décision du 24 mars 2023, la cour administrative d’appel (CAA) précise le contour de la reconnaissance d’un accident de service.
En l’espèce, un agent estimait être victime d’un accident de service causée les remarques négatives de son supérieur hiérarchique. Il avait indiqué à l’agent qu’il ne souhaitait pas qu’il participe à la réunion à cause de son comportement parfois peu conciliant.
Dans un premier temps, la CAA rappelle le texte de loi applicable lors de la survenance d’un accident de service : « Aux termes de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la décision en litige : » I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (…). / Le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. (…). II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service (…) « . »
Elle rappelle ensuite la jurisprudence édictée par le Conseil d’Etat : « Constitue un accident de service, pour l’application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent. » (Conseil d’État, 27 septembre 2021, 440983.)
Selon cette jurisprudence, l’échange avec un supérieur hiérarchique peut être un élément constitutif d’un accident de service. Néanmoins, il faut que le comportement de ce supérieur excède l’exercice du pouvoir normal hiérarchique. Une limite est donc apportée à la reconnaissance de l’accident de service. L’agent devra prouver le comportement anormal de son supérieur hiérarchique.
(CAA de NANTES, 3ème chambre, 24/03/2023, 22NT00083, Inédit au recueil Lebon)
Marchés publics
Jugement du Tribunal administratif de La Réunion : une décision qui ne censure pas le recours à la procédure avec négociation.
En l’espèce, il s’agit d’un recours à la procédure de mise en concurrence avec négociation pour l’attribution d’un marché d’acquisition, de mise en œuvre, de formation, de maintenance et d’évolutions d’une solution logicielle de dossier patient informatisé (DPI) commun aux quatre établissements du groupement hospitalier de territoire de La Réunion (GHT).
Le centre hospitalier universitaire de La Réunion avait lancé une procédure de mise en concurrence avec négociation, en application des articles L.2124-3 et R.2124-3 et suivants du code de la commande publique.
Ladite procédure avec négociation avait été mise en oeuvre sur le fondement du 1° et du 4° de l’article R.2124-3 du code de la commande publique, « en raison de la nécessité de s’adapter aux spécificités de chaque service de chacun des sites du centre hospitalier universitaire de La Réunion concernés et d’être déployé en différentes phases sur chaque site, en reprenant les informations des DPI remplacés. »
Aux termes de l’article R.2124-3 précité, « Le pouvoir adjudicateur peut passer ses marchés selon la procédure avec négociation dans les cas suivants :
1° Lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles ;
(…)
4° Lorsque le marché ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s’y rattachent ;
(…) »
Aussi, à la lecture de ce jugement, la juge des référés considère que la complexité du marché suffit pour recourir à la procédure avec négociation, sans autre explication, « Ces exigences caractérisent à elles seules des circonstances particulières liées à la nature et à la complexité du marché au sens du 4° de l’article R.2124-3 précité. »
TA de La Réunion, 3 mars 2023, n°2201586
Droit des sociétés
Société en formation : défaut de reprise des actes et responsabilité
Une société en constitution peut souscrire un engagement en mentionnant expressément que la personne agit au nom et pour le compte de la société en formation. Il est alors nécessaire d’annexer aux statuts de la société l’acte réalisé précédemment que celle-ci reprend en son nom. À défaut, l’acte souscrit reste à la charge de la personne l’ayant effectué.
Source : CA Aix-en-Provence, 3-4, 30 mars 2023, n° 19/12512
Cession d’actions : attention, le promettant d’une promesse unilatérale s’oblige définitivement et ne peut se rétracter
Pour la Cour de cassation, le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.
Le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire. Viole l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de réalisation forcée d’une vente, après avoir constaté que le contrat litigieux avait été conclu avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, a retenu que, conformément au droit positif antérieur à la réforme, la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir
Source : Cass. com., 15 mars 2023, no 21-20399
Droit des contrats
Décret n° 2023-417 du 31 mai 2023 relatif aux modalités techniques de résiliation des contrats par voie électronique
Résiliation « en 3 clics »
Ce décret précise les modalités d’accès et d’utilisation de la fonctionnalité de résiliation par voie électronique des contrats prévue à l’article L. 215-1-1 inséré dans le code de la consommation par l’article 15 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat..
Le décret assure au consommateur et au non-professionnel la possibilité de notifier au professionnel la résiliation d’un contrat en quelques validations ou « clics », en lui garantissant un accès rapide, facile, direct et permanent à la fonctionnalité prévue par la loi.
Ainsi, depuis l’interface en ligne (notamment le site internet ou l’application mobile) permettant la conclusion de contrats avec un professionnel, le consommateur accède directement et facilement à la fonctionnalité de résiliation. La fonctionnalité peut comporter des informations sur les conditions de la résiliation des contrats (comme les cas dans lesquels la rupture du contrat entraîne l’obligation de payer une indemnité ou le respect d’un délai de préavis), ainsi que sur les conséquences de la résiliation.
Le consommateur est alors amené à renseigner ou confirmer les informations mentionnées par le présent décret permettant de l’identifier et de désigner le contrat à résilier. Pour le cas très particulier où le consommateur résilie le contrat de façon anticipée, le décret prévoit des conditions spécifiques pour la mise en œuvre de la résiliation qui dépend de l’existence d’un motif légitime.
Le consommateur est informé des pièces justificatives à communiquer au professionnel et dispose d’une rubrique pour préciser le motif légitime de résiliation, ainsi que d’une adresse postale et d’une adresse électronique ou d’une fonctionnalité pour transmettre au professionnel le justificatif de ce motif légitime. Ceci permettra, par exemple :
– aux consommateurs de bénéficier plus aisément de la faculté de résilier un contrat de communications électroniques sans être tenus de payer la fraction non échue de la période courant jusqu’à la fin de l’engagement contractuel ni les sommes dues au titre de la résiliation anticipée, en application de l’article L. 224-37-1 du code de la consommation lorsqu’ils sont en situation de surendettement, et en application de la jurisprudence en vigueur en cas, notamment, de licenciement pour un contrat de travail à durée indéterminée, de force majeure, ou de déménagement à l’étranger ;
– aux consommateurs, titulaires d’un contrat de fourniture de service de télévision au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et d’un contrat de fourniture de services de médias audiovisuels à la demande, de mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la première reconduction, en application du dernier paragraphe de l’article L. 215-1 du code de la consommation dès lors qu’ils changent de domicile ou que leur foyer fiscal évolue.
Enfin, le décret prévoit que le consommateur est ensuite dirigé vers une dernière page récapitulative des informations fournies à partir de laquelle il notifie sa résiliation.