Regard d’expert : démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT) dans le secteur public hospitalier
Elisabeth Deman, consultante en organisation et santé au travail chez Relyens, répond à nos questions à propos des démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail dans le secteur public, et nous indique quelles leçons nous pouvons tirer de ces démarches.
Avec la signature de l’accord-cadre du 22 octobre 2013 puis la publication des circulaires du 20 et 28 mars 2015, les établissements du secteur de la santé et du médico-social mènent sur leurs sites des démarches de prévention des risques psychosociaux (RPS). Nous constatons depuis peu une nouvelle orientation de ces démarches vers une approche plus large de l’amélioration de la qualité de vie au travail.
Qu’entend-on par « Qualité de vie au travail » ?
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), la qualité de vie au travail « regroupe l’ensemble des actions permettant de concilier l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des établissements de santé. Ces actions permettent d’accompagner les professionnels tout en garantissant la sécurité des soins, la qualité des soins et la santé des professionnels ».
La sécurité de la situation de travail est de fait un facteur déterminant lors de l’expression de la satisfaction du personnel de soin.
Les retours d’expérience issus de l’accompagnement de démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail nous permettent aujourd’hui de souligner la nécessité, pour les établissements, à s’engager dans de tels projets et d’identifier, au vu du déroulement de nombre d’entre eux, les facteurs clefs de réussite.
Pourquoi engager une démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail ?
Les établissements du secteur public hospitalier connaissent des bouleversements organisationnels liés aux réformes du secteur de la santé. Ils sont également confrontés, pour la plupart, à des difficultés budgétaires qui les astreignent à une gestion très contrainte de leurs ressources et notamment de leurs ressources humaines.
Dans ce contexte, l’amélioration de la qualité de vie au travail des personnels devient un levier de la performance des établissements en permettant d’accompagner les changements, en contribuant à lutter contre l’absentéisme et, in fine, en concourant à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
La mobilisation de l’ensemble des équipes, tant personnel médical que personnel non médical, au-delà du fait qu’elle permet d’interroger chacun sur sa perception de sa qualité de vie au travail et constitue ainsi un premier signe de reconnaissance du contexte dans lequel évoluent de nombreux personnels, permet également de lever certains freins et de répondre aux interrogations éventuelles que ce type de démarche ne manque pas de susciter.
Quelques facteurs clés de réussite
Au regard des accompagnements effectués, certains éléments apparaissent déterminants dans la réussite du projet.
Le premier se rapporte à la mise en place d’un comité de pilotage. Il est fondamental de constituer une instance dans laquelle chaque catégorie d’acteur puisse être représentée :
- la direction,
- les représentants du personnel,
- l’encadrement,
- le personnel médical,
- le service de santé au travail a minima.
Ce comité de pilotage est l’instance de gouvernance de la démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail. C’est un lieu de discussion, d’échanges et de prise de décisions, qui permet de finaliser la méthodologie de déploiement de la démarche et de construire ensemble les outils qui seront utilisés (questionnaire pour une enquête par exemple).
La communication assurée tout au long de la démarche est également un élément essentiel. Le comité de pilotage a pour mission de construire le plan de communication et de s’assurer que les actions de communication prévues à chaque étape de la démarche sont initiées.
Les membres du comité de pilotage sont eux-mêmes vecteurs de communication et de mobilisation des agents sur la démarche. A cet égard, l’approche pédagogique est importante et la formation ou la sensibilisation des acteurs à ce qu’est une démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail, à ses enjeux et aux résultats attendus est une étape nécessaire.
Une mobilisation forte de la Direction sur la démarche et une communication directe de celle-ci à destination de l’ensemble des personnels sont fortement appréciées et contribuent à la réussite du projet.
Exemples de facteurs contribuant à la QVT
Quelles peuvent être les limites des démarches d’améliorations de la qualité de vie au travail ?
Les établissements, pris dans le quotidien de leur activité et les multiples projets qu’ils ont à gérer peuvent rencontrer des difficultés à s’approprier ce type de démarche et à assurer sa mise en oeuvre une fois l’accompagnement terminé.
En effet, il est parfois difficile de faire coïncider les exigences de travail et les exigences émotionnelles propres au domaine de la santé avec les objectifs de la QVT.
Or, la mise en oeuvre de démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail, si elle permet d’identifier les actions à mettre en place, ne permet pas une solution « clef en main » : les actions, pour être efficaces, doivent être testées, s’adapter dans la durée et intégrer les évolutions qui surviennent. Ainsi, pour que les effets de la démarche menée soient pérennes, une véritable gestion de projet doit être associée à une gestion du changement pilotée dans la durée.
Des prolongements qui renforcent les démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail des personnels
Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) s’organisent depuis 2016 et les établissements mettent en oeuvre les projets médico-soignants partagés. L’amélioration de la qualité de vie au travail nécessite maintenant d’être intégrée aux choix stratégiques d’organisation des soins et à la vie des établissements. Certains GHT ont inclus un axe sur la qualité de vie au travail dans leur projet social partagé, dont l’élaboration a d’ores et déjà facilité la connaissance réciproque des contraintes et des besoins des différents acteurs et agit comme espace de discussion sur le travail. En effet, l’influence des rapports sociaux dans la qualité de vie au travail a été démontré à de nombreuses reprises.
La clé de voûte de l’amélioration de la qualité de vie au travail, dans un contexte mouvant, réside dans la conduite du changement et plus particulièrement dans l’accompagnement des professionnels au coeur des transformations.
Tout comme le plan de communication sur l’amélioration de la qualité de vie au travail au sein du GHT est un fil rouge de la démarche, un accompagnement au changement bien orchestré, qu’il s’applique à un établissement ou au GHT, sera un facteur clé de succès et pourra se mettre en place au profit d’un sentiment d’appartenance partagé. La gestion prévisionnelle des métiers et des compétences (GPMC), lorsqu’elle est organisée, est un élément prépondérant qui vient soutenir les démarches d’amélioration de la qualité de vie au travail. La GPMC permet en effet d’anticiper et d’accompagner les changements organisationnels nécessaires, d’accompagner les personnels dans l’évolution de leurs parcours professionnels. La mise en place des GHT, la création d’une nouvelle offre de soins, les situations de désertifications médicales, l’arrivée des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) sont autant d’opportunités pour les agents de faire évoluer leurs compétences.
Les stratégies de recrutement, ainsi que la soutenabilité des métiers issus ou non de la mise en place des GHT doivent également être questionnées. L’enjeu d’une démarche de GPMC est alors de définir les parcours professionnels, en vue notamment de proposer des trajectoires d’évolution attractives, harmonisées et cohérentes avec le parcours patient (développement des compétences et spécialisation, perspectives de mobilité, passerelles courtes et longues…). La démarche de GPMC vient servir l’objectif global d’amélioration de la qualité de vie au travail des personnels et de préservation de leur santé pour une meilleure qualité et sécurité des soins dispensés. Il s’agit là d’un changement culturel majeur pour les établissements et leurs personnels : dans un environnement en mutation, les personnels doivent pouvoir faire preuve d’adaptabilité, questionner l’autonomie et les marges de manoeuvre dont ils bénéficient afin de devenir acteurs de leurs parcours professionnels.