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Prévention et santé au travail QVCT
Publié le 4 octobre 2024 Modifié le 10 octobre 2024
Temps de lecture : 7 minutes

Perte de sens du travail : quand la chute des repères individuels et collectifs fragilise les organisations

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La perte de sens du travail est devenue aujourd’hui un sujet central au cœur des organisations. Les évolutions que connait la société impactent inévitablement les encadrants et les membres de leur équipe. La perte de sens « au travail » est constatée et reconnue comme un des nouveaux risques psychosociaux. Mais quand ce phénomène est-il apparu ? Toutes les générations sont-elles impactées ? Pour répondre à ces questions, il convient de se pencher d’abord sur la perte de sens ressentie par l’Homme occidental dans son environnement global, l’évolution de la « valeur travail » et plus largement le concept de sens du travail.

Une perte de sens générale due à une perte des repères individuels et collectifs

Le monde occidental dans lequel nous évoluons est marqué par la multiplication des pertes de repères individuels et collectifs qui touchent tant la sphère privée que la sphère professionnelle

La chute des institutions : un 1er repère qui s’effondre

Depuis plusieurs décennies, nous assistons à la chute de nos institutions. Parmi les nombreuses institutions impactées citons par exemple : l’école, l’hôpital, le politique, ou encore les médias – qui ne sont maintenant plus une valeur sûre du fait du développement de l’Intelligence Artificielle et de la multiplication des fake news. Les lignes directrices (« le sens ») disparaissent les unes après les autres.

Face à l’angoisse de sa condition, l’Homme, qui a besoin de certitudes, en est privé. La chute des institutions constitue autant de repères qui s’effondrent et déstabilisent. C’est désormais à l’individu seul de trouver le sens et le chemin de son existence.

La place croissante des « écrans », un phénomène qui tend à reconsidérer complètement la place de l’Homme moderne

On assiste désormais à la place croissante prise par les réseaux sociaux dans nos vies et, plus globalement, par ce que l’on appelle communément « les écrans ».

Bruno PATINO
Auteur de l'essai « La civilisation du poisson rouge »

Notre soumission progressive aux écrans conduirait à un véritable changement civilisationnel qui s’opère devant nos yeux.

Citons le smartphone, qui a révolutionné nos pratiques, tant dans notre vie personnelle que professionnelle. Désormais, nous nous noyons dans le flux symbolisé par nos groupes WhatsApp et les vidéos qui se déversent sur YouTube, Instagram, TikTok… Notre cerveau se perd dans une masse de données qu’il ne peut traiter, victime « d’infobésité ». L’acronyme « FOMO » (pour « Fear of missing out ») traduit l’anxiété qui pousse de plus en plus de personnes à rester connectées en permanence pour ne pas risquer de manquer une information. On en vient désormais à parler de « burn-out numérique ». En moyenne, 60 à 70 % de notre temps libre est occupé par les écrans, et un adulte français passe entre 3 et 4h par jour devant son smartphone (1).

En conséquence, les réseaux sociaux interfèrent aujourd’hui avec le temps et la qualité du sommeil, exposent les jeunes à des environnements en ligne toxiques et perturbent les interactions sociales « en personne ». Les deux piliers de la prévention (« davantage bouger, bien dormir ») sont directement ou indirectement détruits quotidiennement par le smartphone*.

La santé mentale des jeunes se dégrade dans le monde entier, notamment dans les pays occidentaux : +24 % d’anxiété et +34 % de dépression aux États-Unis entre 2004 et 2017 ; +58 % de troubles mentaux au Royaume-Uni entre 2017 et 2021 ; +24 % d’hospitalisations pour dépression en Allemagne… En France, le nombre de jeunes souffrant de dépression a doublé en dix ans.

L’heure est à la prise de conscience qu’un loisir peut également être aliénant. Il ne s’agit pas de remettre en cause aveuglément l’utilité des smartphones, il s’agit « juste » de prendre conscience de la nécessité d’agir urgemment en termes de prévention et de traitement de l’addiction, à l’échelle globale (enfants et adultes). 

Une perte de sens générale accélérée par une société en constante mutation

Les multiples évolutions auxquelles nous sommes confrontés accélèrent la perte de sens :

L’évolution de la perception du temps

Grâce aux multiples progrès technologiques l’individu n’a jamais disposé d’autant de temps pour lui, or nous sommes de plus en plus nombreux à avoir constamment l’impression de manquer de temps (que ce soit à titre privé ou professionnel). La suroccupation touche toutes les couches de la population. Les nouvelles possibilités offertes par la technologie ont ajouté de nouvelles complications. Comme les travaux peuvent être exécutés (théoriquement) plus rapidement, nous en prévoyons encore plus, et nous sommes rentrés dans une culture de l’immédiateté qui peut entraîner une souffrance au travail et engendrer des impacts sur le fonctionnement des structures.

Relyens, en partenariat avec Holicare, propose une solution globale et personnalisée pour prévenir et réagir face à la souffrance au travail de vos équipes.

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La prise de conscience des défis environnementaux contemporains

Le contexte écologique tient plus que jamais une place de choix dans le paysage moderne et devient une préoccupation croissante des ressources humaines. Le terme d’éco-anxiété a d’ailleurs été défini très récemment (2017). Ce sentiment croissant d’écrasement et d’impuissance a un impact sur la santé mentale (agressivité, auto-agressivité, risque accru de suicide…) et s’ajoute aux perturbations auxquelles est confronté l’Homme moderne, dans une société de plus en plus individualiste et qui développe le culte de la performance. Or comment être plus « fort » sans coopération ni bases sociétales et psychologiques ? Le sens se perd…

Début 2024, 11millions de salariés Français sont considérés comme étant en « détresse psychologique » (2).

Quand la perte de sens générale entraîne une perte de sens du travail

Le phénomène de Grande démission et de démission silencieuse

Ce phénomène qui a frappé les États-Unis à partir de 2021 se serait diffusé y compris en France : un nombre extraordinaire de professionnels auraient quitté leur emploi du jour au lendemain (« Grande démission ») ou, a minima, auraient décidé de réduire drastiquement leur engagement au travail au point de ne faire que « le minimum d’efforts possible » (« Démission silencieuse »). De plus en plus de personnes se posent des questions sur l’intérêt de s’investir corps et âme dans le travail. En somme : quel est le sens de ma vie et ne puis-je pas trouver un travail davantage porteur de sens ? Il s’agit d’un large mouvement vers davantage de conscience, davantage de remise en question.

En tant qu’encadrant, avoir conscience des évolutions de notre société est une nécessité pour pouvoir choisir les outils adéquats et adopter la posture managériale la plus appropriée, pour contribuer au bon fonctionnement des organisations et redonner du sens au travail.

Les différences de rapport au travail en fonction des générations

Autre thème majeur en termes de mutation des conditions de travail : les différences de rapport au travail en fonction des générations. Nous faisons le constat, auprès de nos clients de la fonction publique territoriale comme de la fonction publique hospitalière, d’un ressenti de rapport au travail différent selon les générations X, Y ou Z. Les X, chargés de recruter et d’encadrer les autres, nous font part de leur perception, chez les Y et Z, d’un désengagement dans le travail, d’attentes moindres en termes de qualité du travail, d’une perte du sens du service public ou de la qualité des soins, sans parler d’une loyauté et d’une fidélité moins importantes que pour ceux de leur génération. Ces déphasages déstabiliseraient les équipes : turn-over plus important, recrutements plus longs et plus incertains, tensions au sein des équipes dans le quotidien opérationnel.

L’évolution de la valeur Travail

Si l’on se penche sur les résultats de l’enquête IFOP 2022 portant sur l’implication professionnelle des Français et leur perception de la valeur travail ces évolutions ne seraient pas (ou plus) seulement une question de génération mais bien un phénomène de société : le travail n’est plus notre valeur cardinale. Cette nette désacralisation du travail se constate tant dans la fonction publique que dans le secteur privé. À noter que la crise du Covid a accéléré ce mouvement.

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Pour conclure

Aujourd’hui, la vie a pris le pas sur le travail. On attend du travail autre chose qu’un salaire : il est un projet de vie parmi d’autres, d’où la tentation de le circonscrire, de limiter le temps et l’énergie qu’il consomme. Il s’agit de trouver un moyen de travailler qui nous permette de vivre le mieux possible.

Les jeunes d’aujourd’hui redéfinissent la notion de « valeur travail » de manière innovante, ce qui atteste d’un rapport au monde différent. Ils accordent de l’importance à la « valeur » travail mais souhaitent que cette dimension occupe une place équilibrée dans leur vie. C’est une véritable révolution dans le rapport au travail. Cette génération réinvente la valeur Travail.

 

Ces constats sont à appréhender par les encadrants pour que chaque manager puisse œuvrer pour redonner du sens au travail. Pour aller plus loin, découvrez notre article portant sur le concept de sens du travail, les facteurs et les conséquences de perte de sens du travail et les nouvelles responsabilités de l’encadrement.

1. Magazine Epsiloon – « Réseaux sociaux, enquête sur notre santé mentale » (janvier 2024).

2. Source Opinion Way (mars 2023).

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