Les professionnels de santé espagnols reviennent sur la pandémie du Covid-19
Sham a organisé plusieurs Webinars dans lesquels elle a invité d’éminents professionnels de santé et scientifiques à échanger sur les difficultés rencontrées face à la pandémie du Covid-19 qui a fortement frappé tous les pays du monde et plus particulièrement l’Espagne. La crise sanitaire a permis de mettre en exergue des failles dans un système médical pourtant réputé sous contrôle. La sécurité des patients et des professionnels de santé a parfois été relayée au second plan face à l’urgence dans la prise de décisions médicales ou le traitement des priorités.
Sham Espagne a souhaité mener divers travaux en partenariat avec la SECA et la FIDISP afin de mettre en commun des constatations médicales et organisationnelles de sorte à tirer les enseignements de cet épisode de pandémie et se prémunir contre une éventuelle récidive.
Les recommandations de la SECA : la Société Espagnole pour la qualité de soins de santé
La Société espagnole pour la qualité des soins de santé (SECA) est une société scientifique multidisciplinaire dont la mission est de promouvoir l’amélioration continue de la qualité des soins dans le domaine de la santé. Sham Espagne a participé aux travaux de réflexion sur la façon dont le système de santé national a réagi pour résister à la pandémie. Cette pandémie a plongé le monde entier dans une crise sanitaire sans précédent. De fait, les modes opératoires dans le domaine de la santé s’en sont trouvés complètement déstabilisés Les professionnels de santé ont dû faire face à des situations imprévisibles et ont été plongés dans une certaine incertitude. De même, des inégalités de traitement dans l’administration des soins ont pu être constatées et l’activité médicale non covid-19 a dû être interrompue pour faire face à l’engorgement des services de soins et à la forte mobilisation des personnels de santé. Ceux-ci ont été mis à mal : carence de personnel ou de matériel, dissolution de certaines équipes de travail, réorganisation des services de santé, réduction des temps de repos, personnel débordé, stressé, etc. L’expérience patient n’était plus la priorité.
Force est de constater que les décisions prises ont eu des conséquences et un impact direct sur la qualité de service et sur la sécurité des patients.
Le Docteur José Joaquín MIRA, professeur à l’Université Miguel HERNANDEZ de ELCHE et adhérent de la SECA, qui a dirigé le groupe de travail, nous explique le rôle de garant de la sécurité du service de soins espagnols de la SECA. Dans les recommandations qu’elle publie :
- Elle souhaite garantir l’équité et l’accessibilité aux soins, l’efficience des professionnels de santé
- Elle appelle au retour à une expérience positive pour les patients et les professionnels de santé (sécurité des patients, bien-être des professionnels de santé, etc.)
- Elle initie un plan de mesures pour palier à une éventuelle seconde vague.
Fernando VASQUEZ, chef du service de microbiologie de l’hôpital universitaire central des Asturies, Professeur à l’Université de Oviedo, membre de la SECA, nous expose le travail admirable qu’ont réalisé les laboratoires d’analyses en Espagne durant la crise sanitaire.
En effet, face à la demande considérable de dépistages, les laboratoires ont déployé des moyens impressionnants. Nombre d’entre eux ont exercé 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 et ont réduit les délais de délivrance/remise des résultats à 6 heures. De plus, des équipes de biologistes se sont déployées dans les établissements de santé pour être au cœur de la pandémie et augmenter encore leur réactivité en soutien des personnels soignants. Il remarque, à juste titre, que les personnels des laboratoires n’ont pas été victimes de problèmes émotionnels comme l’ont pu être les personnels soignants, car moins en contact direct avec les patients
Ce qui leur a permis d’être moins exposés au stress et par conséquent d’avoir une certaine souplesse dans leur façon de travailler.
Ils ont fait preuve d’une belle réactivité face à la recrudescence des cas confirmés et à la propagation du virus : des protocoles sanitaires se sont rapidement mis en place afin de garantir une sécurité des patients dans les laboratoires et endiguer l’effet de propagation. Au cœur de la crise, près de 12.000 tests de dépistage étaient réalisés par jour.
Elena BARTOLOME, Technicienne membre de la Direction des Processus et de la Gestion de la qualité des soins primaires, SECA, présente le plan de contingence issu des travaux d’un groupe de 50 experts et médecins. Le groupe de travail a mis à plat les forces et les faiblesses du système de santé espagnol.
Après avoir identifié les failles du système, il a fallu réfléchir aux mesures correctives à mettre en place pour y palier, le double objectif de cette réflexion étant d’une part de mettre à profit les enseignements tirés de la pandémie et, d’autre part, d’être prêt à répondre efficacement à une éventuelle seconde vague.
Le plan de contingence tel qu’élaboré par les experts du groupe de réflexion revêt les caractéristiques suivantes :
- Il prévoit des mesures de prévention
- Il se veut un outil de contrôle pour tout protocole ou mesures organisationnelles
- Il est orienté vers l’action : les recommandations sont issues des leçons tirées de la période de pandémie
- Il préconise que l’ensemble de ses recommandations s’initient d’ores et déjà
Le plan de contingence prévoit 24 mesures.
Pour consulter le webinar en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=cEraHWWK8Zw&t=359s
La sécurité du patient et des professionnels de santé – FIDISP
Le professeur Santigo Tomas Vecina, chef de l’unité de qualité et de sécurité du patient de l’hôpital de Badalona, membre de la FIDISP (fondation pour la recherche, l’enseignement et l’innovation dans la sécurité du patient), dresse le bilan d’une enquête menée par la FIDISP entre avril et mai 2020 auprès de professionnels de santé via les réseaux sociaux et par emailing à l’ensemble des contacts de la FIDISP et de Sham Espagne. Les réponses étaient anonymes, volontaires et confidentielles. Il s’agissait de déterminer le niveau de sécurité déployé auprès des patients durant cette crise sanitaire sans précédent.
La situation d’urgence s’est manifestée dans 3 cas :
- Les déficits organisationnels des systèmes de santé que nous considérions – à tort – excellents, mais qui ont montré qu’ils n’étaient pas prêts à endurer une crise de cette ampleur
- La situation des professionnels de santé, en nombre insuffisant pour faire face à la pression des soins qui augmentaient de jour en jour
- L’existence d’une forte proportion de personnes âgées vulnérables, qui n’ont pas pu être soignées dans les meilleures conditions. De fait, les professionnels de santé ont dû prendre des décisions éthiques très difficiles afin de sauver le maximum de vies.
La FIDISP évoque 4 typologies de risques liés aux patients :
- Les incidents survenus lors du traitement de patients atteints du virus
- Les incidents survenus dans le cas de patients non dépistés mais atteints et traités pour d’autres pathologies
- Les incidents survenus dans le cas de patients n’ayant pu être accueillis pour le traitement programmé ou non de pathologies n’ayant aucun lien avec le Covid (ex : chirurgies programmées, infarctus du myocarde, traitements oncologiques, etc.)
- Les conséquences dérivés des traitements et des actions de prise en charge menées pendant la pandémie et qui, aujourd’hui, apparaissent peu à peu (événements thromboemboliques et vasculaires, maladies cardiologiques, dermatologiques, pulmonaires, etc.).
Forte de ces considérations liminaires, et dans le but de connaître et d’analyser les risques ayant affecté la sécurité des patients pendant l’épidémie de Covid, la FIDISP, une fondation privée à but non lucratif dédiée à l’amélioration de la qualité et de la sécurité du patient en santé, a lancé le projet SEGCOVID, avec la collaboration de SHAM.
Le projet SEGCOVID vise à proposer des solutions susceptibles d’améliorer la réponse sanitaire dans des situations similaires et, à son tour, réduire les risques sanitaires, garantissant une meilleure sécurité pour le patient.
L’enquête portait sur deux aspects bien distincts :
- La sécurité des patients avec les soins, la gestion clinique, la gestion du diagnostic et les médicaments,
- La sécurité des professionnels de santé avec la santé du professionnel, les relations entre professionnels, les équipements de protection et le dépistage du virus sur le professionnel et la contagion ou non de l’infection.
Plus de 500 réponses à l’enquête furent enregistrées. Elle fut administrée alors que le nombre de nouveaux cas de patients atteints du virus étaient en très nette baisse, ce qui a sans doute permis d’obtenir des résultats plus parlants. Près de 400 personnes interrogées étaient des médecins et des infirmières.
Si on observe les résultats, on note que les incidents les plus fréquents quant à la sécurité du patient sont intervenus :
- En présence de matériel défectueux ou inappropriés ou dangereux, voire en l’absence d’équipements
- Lors de l’administration de traitements à des patients hospitalisés durant des séjours en soins intensifs ou en l’absence de protocole
- Lors de difficultés à avoir une oxygénothérapie à haut débit dans les services d’hospitalisation de patients très gravement malades sans surveillance adéquate ni assistance respiratoire.
De même, si on analyse les résultats liés à la sécurité du professionnel :
Plus de 93% des personnes interrogées déclarent avoir ressenti les symptômes de victime collatérale, avoir eu des conflits avec des collègues de travail et avoir manqué de matériel.
En conclusion, force est de constater que :
- La sécurité du patient a été mise en danger du fait de l’engorgement des services de soins
- Les professionnels de santé ont relevé un nombre trop élevé d’incidents
- Les professionnels de santé ont souffert de symptômes psychologiques ou émotionnels faisant d’eux des victimes collatérales
- Les professionnels de santé sous pression se sont retrouvés en conflit sur leur lieu de travail avec des collègues.
Pour consulter le webinar en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=kYFVSdIKGg0&t=307s
En savoir plus sur la communication dans les établissements de santé au temps du Covid-19
Dans la lutte contre la crise sanitaire du Covid-19, l’information, la communication et la bonne transmission des connaissances devient plus qu’importante dans la gestion et la prévention des risques de la santé : elles deviennent essentielles. Les articles suivants peuvent vous intéresser :
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