La qualité de vie en service dans les SIS en 2022
Chaque année, notre publication Regard sur les risques professionnels et les accidents en services commandés dans les SIS (Services d’Incendie et de Secours), comporte un dossier thématique en lien avec l’accidentologie. Pour l’édition 2023, le focus porte sur les Risques Psychosociaux et sur la Qualité de vie en service.
Nos experts Relyens présentent l’analyse des résultats au regard des différentes dimensions qui constituent la Qualité de vie au travail et dressent un état des lieux de la perception des conditions de travail et de service dans les services d’incendie et de secours.
Les résultats de l’enquête Risques Psychosociaux (RPS) et Qualité de Vie en Service (QVS)
D’un point de vue méthodologique, cette étude est issue d’enquêtes RPS et QVS menées au sein de services d’incendie et de secours entre 2015 et 2022 ¹. Les résultats obtenus ne sont pas représentatifs d’une tendance nationale, mais permettent de dégager une analyse des facteurs impactant des situations d’activité des personnels des services d’incendie et de secours.
Les personnels sont-ils satisfaits de leur Qualité de Vie au Travail dans les services d’incendie et de secours ?
La note de satisfaction globale exprimée par les sapeurs-pompiers professionnels (5,4/10) est sensiblement plus faible que la note des sapeurs-pompiers volontaires (6,4/10). La part des répondants dénonçant des conditions de travail insatisfaisantes est faible. Le plus grand nombre dit ressentir une satisfaction moyenne : 59 % de sapeurs-pompiers professionnels (SPP) et personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS) et 55 % de sapeurs-pompiers volontaires (SPV). Enfin, 21 % de SPP/PATS et 36 % SPV se déclarent globalement satisfaits. Si l’on peut estimer que cette appréciation de la satisfaction globale est correcte, elle masque cependant des situations très différentes.
La note de satisfaction globale : un indicateur à surveiller
Ce ressenti global est un indicateur qu’il convient de suivre car près de la moitié des SPP/PATS (49 %) et près d’un tiers des SPV (30 %) considèrent que leur satisfaction a baissé dans les six derniers mois.
Dans l’ensemble, les SPP/PATS ont une vision moins positive et plus contraignante de leur engagement que les SPV. 20 % se sentent découragés, 13 % stressés ou épuisés (10 %). Nous pouvons également relever que les SPP/PATS avancent en priorité le contenu du travail/les conditions d’exercice comme éléments importants de leur activité alors que pour les SPV, les relations humaines sont prédominantes (57 %).
Cette note de satisfaction globale évaluée par les personnels sur leur qualité de vie au travail donne un 1er élément de réponse. Elle reflète cependant un sentiment contrasté, qui varie selon plusieurs facteurs influençant plus ou moins positivement leur situation de travail.
Retrouvez tous les résultats de l’enquête en consultant notre publication Regard sur SIS (Services d’Incendie et de Secours)
Télécharger la publicationLes différents facteurs qui influent sur la QVS
L’objectif de notre analyse a été d’identifier, au sein des multiples dimensions qui constituent la qualité de vie en service, quels étaient les facteurs de satisfaction et d’insatisfaction des répondants afin de déterminer leur ressenti pour chacun des thèmes étudiés.
Ces facteurs sont variés et relatifs aussi bien aux caractéristiques du travail/service, à son organisation, aux moyens donnés pour le réaliser, à son environnement, qu’à la reconnaissance obtenue, ou encore à son intérêt et son utilité, et ce dans ses dimensions physiques, psychologiques et sociales.
Dans notre publication, nous revenons en détail sur chacune des huit dimensions avec des données détaillées. Attardons-nous ici sur deux de ces dimensions : les rapports sociaux et l’impact sur la santé.
Focus sur la dimension « Rapports sociaux »
Concernant les rapports sociaux ², nous constatons qu’il y a une réelle solidarité entre collègues (95 % des SPP/PATS) et 85 % considèrent que l’entraide fonctionne bien. Les relations avec les niveaux hiérarchiques sont plus sensibles : 1 répondant sur 2 dit recevoir des ordres contradictoires et 77 % affirment que les services d’incendie et de secours ne réussissent pas à fédérer ses personnels autour de valeurs communes. Les SPV, quant à eux, estiment que le soutien de leur hiérarchie leur est acquis (65 %) mais également que l’organisation des disponibilités organisationnelles apparaît souvent comme source de conflit potentiel entre collègues (49 %).
Dans son témoignage, Christophe GLASIAN, Contrôleur Général, Directeur Départemental, Chef de corps au SDIS du Puy-de-Dôme (63) réagit sur les chiffres énoncés notamment sur la dimension « rapports sociaux ». Dans cet extrait, il revient sur le sentiment d’éloignement entre la gouvernance et le terrain.
« Nos organisations sont très pyramidales avec des niveaux hiérarchiques très marqués […] cela se traduit par une forme d’éloignement des agents par rapport au centre de décision pour les agents qui sont quelquefois passés à l’exécution. Là aussi il faut travailler une communication interne efficace qui doit être portée par le commandement […] on a conscience d’avoir encore une petite difficulté à cultiver une transversalité au sein des SDIS de manière naturelle […] ».
Focus sur l’impact sur la santé : une des dimensions importantes de la QVS
Près de la moitié des SPP/PATS estiment que leur activité à un impact négatif sur la santé physique. Cependant plus de 80 % n’ont pas eu d’arrêt de travail au cours des 6 derniers mois.
En revanche, l’impact mental est qualifié de « plus important » par 52 % des répondants. Chez les SPV, l’impact sur la santé est plus limité, puisque plus de 80 % d’entre eux ne ressentent aucun effet sur leur santé physique (86 %) et morale (81 %).
A titre d’exemple, 80 % des SPP/PATS interrogés relèvent avoir des problèmes de sommeil associés au travail : 28 % au moins 1 fois, 18 % tous les mois, 23 % toutes les semaines, 11 % tous les jours.
Le docteur Clément Duret, Médecin du travail, Responsable du service des pathologies professionnelles – Hôpital de Garches – APHP et Directeur médical d’Holicare, revient sur les situations potentiellement plus à risque pour la santé psychique des pompiers et rappelle qu’il est important de pouvoir les classifier pour pouvoir les appréhender au mieux s’y former, s’y sensibiliser et éventuellement aller à la détection auprès des personnes touchées par cette situation à risque. Parmi ces atteintes, il répertorie plusieurs types d’atteintes, qu’il détaille lors de l’interview, notamment :
- L’atteinte émotionnelle, qui va caractériser certaines interventions : des contextes compliqués avec de multiples victimes, l’exposition à la mort…
- L’intensité des interventions qui peut entraîner des répercussions sur la santé psychique : des rythmes très intenses lors d’interventions qui se cumulent, le manque de temps de récupération, l’alternance jour/nuit, veille/sommeil avec des délais très courts…
- La vigilance lors des interventions et la contrainte cognitive que cela implique, qui va consommer énormément d’énergie psychique.
« Le métier de sapeur-pompier expose à plus de risques pour la santé globale que la moyenne des métiers en France que ce soit d’ordre physique mais également psychique. Une intervention de prise en charge la plus précoce possible est la plus efficace pour réduire le taux de souffrance […] on est vraiment dans des processus d’aggravation progressive et de cassure. Les premiers symptômes par exemple pour l’épuisement professionnel sont vraiment un continuum avec une accumulation de premiers symptômes, de signaux vraiment faibles à surveiller pour soi avant tout et pour les autres […] ».
Dans notre publication, vous retrouverez différents témoignages dont ceux de médecins sur la dimension de la préservation du capital humain ou d’experts sur l’épuisement professionnel et la préparation mentale opérationnelle. Vous retrouverez également une analyse statistique de l’accidentologie au sein des services d’incendie et de secours afin de vous permettre d’identifier les axes prioritaires à la mise en œuvre d’actions préventives et curatives efficaces et d’insuffler une culture du management des risques global et pérenne.
Découvrez l’intégralité de notre publication « Regard sur les risques professionnels et les accidents en service commandé dans les SIS ».
¹ Etudes portant sur 3 838 SPP/PATS et 1 071 SPV répartis dans 13 SIS
² Sont déterminés comme critères représentatifs des rapports sociaux au travail : l’évaluation de leur place dans le collectif de travail, la coopération, la reconnaissance et le soutien par les pairs et la hiérarchie, la qualité de l’encadrement et la relation à l’administration.