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Sécurité des soins Relations patient
Publié le 20 septembre 2021 Modifié le 7 août 2024
Auteurs
  • VHMN – user icon
    Marianne Hudry
    Copywriter
Temps de lecture : 14 minutes

La communication du dossier médical d’un patient décédé

L’article L 1110-4 du code de la santé publique prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin, son partenaire lié par un PACS (1). Néanmoins, le droit d’accès au dossier médical du défunt est encadré par la loi et le règlement.

La réglementation entourant la communication du dossier médical d’un patient décédé

  • Articles L. 1111-7 et L1110-4 et R1111-7 du code de la santé publique, tels que modifiés par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
  • Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès (modifié par l’arrêté du 3 janvier 2007).

En pratique

L’établissement doit vérifier l’absence d’opposition du défunt

La communication du dossier médical n’est pas autorisée si le patient décédé s’y était opposé de son vivant.

Si le patient n’avait fait part de son désaccord qu’oralement, il sera difficile au praticien d’en apporter la preuve. En pareil cas, il est alors indispensable de consigner, dans le dossier, l’opposition du patient et la date à laquelle elle a été exprimée.

Maître P., conseil de Madame T., a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 août 2008, à la suite du refus opposé par le directeur du groupe hospitalier de l’institut catholique de Lille (GHICL) à sa demande de communication du dossier médical du défunt père de sa cliente.

La commission rappelle qu’en application de l’article L.1111-7 du code de la santé publique, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit, dès lors que cette demande s’inscrit dans les trois motifs prévus à l’article L.1110-4, à savoir connaître les causes du décès, faire valoir ses droits et défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de cet objectif et à condition que le patient ne s’y soit pas opposé de son vivant.

En l’espèce, il ressort du dossier de soins constitué lors de l’hospitalisation du père du demandeur, et notamment d’un formulaire intitulé  » Environnement familial et social  » rempli par une infirmière, qu’il s’était expressément opposé à ce que sa famille, vivant en France et au Maroc, soit informée de cette hospitalisation.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable à la communication du dossier médical demandé.

L’établissement doit vérifier la qualité d’ayant-droit du demandeur ou, à défaut, la qualité de concubin ou partenaire de PACS

Les ayants droit sont définis réglementairement comme étant « les successeurs légaux du défunt conformément au code civil » (2). C’est donc au sens successoral du terme que la notion d’ayant droit doit être entendue, ce qui, selon la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs), inclut tant les successeurs légaux que testamentaires.

En pratique, tous les membres de la famille du défunt ne sont pas successeurs légaux au sens du code civil. Encore faut-il que, compte tenu de la composition familiale, ils justifient effectivement de leur qualité d’héritier. La CADA est, par conséquent, régulièrement amenée à préciser l’application restrictive qu’elle entend donner à la notion d’ayant droit. Il s’agit d’une notion qui s’attache au lien juridique, non pas affectif.

La commission considère, enfin, que les personnes susceptibles de bénéficier de la qualité d’ayants droit du défunt au sens des dispositions de l’article L. 1111-4 [erreur dans le texte : il s’agit en fait de l’article L1110-4] du code de la santé publique, sont les mêmes qui peuvent disposer de la qualité d’héritier par application des règles générales du Code civil en matière de successions et de libéralités :

  • d’une part, les successeurs légaux sont déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l’a rappelé l’arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l’arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne. A cet égard, la commission rappelle que l’article 734 de ce code prévoit :

« En l’absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu’il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d’héritiers qui exclut les suivants. » ;
que selon l’article 756 du même code : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt. » ;  enfin, que l’article 757 dispose : « Si l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux. »

  • d’autre part, l’existence d’héritiers légaux ne fait pas, par elle-même, obstacle à la désignation d’héritiers testamentaires, de même que l’existence de ces derniers n’exclut pas, par principe, la présence d’héritiers légaux. En application de ces règles, la commission estime que la présence d’un conjoint successible ne fait normalement pas obstacle à ce que les enfants, ou les héritiers de ceux-ci s’ils sont décédés, se voient reconnaître la qualité d’ayants droit du défunt au sens des dispositions de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique. Elle considère également que lorsque plusieurs personnes disposent effectivement de la qualité d’héritier, et donc d’ayant droit au sens de l’article L. 1111-4, chacune d’entre elles peut exercer le droit d’accès qu’il garantit au dossier médical du défunt, dans les limites posées par la décision du Conseil d’État. L’existence d’un conflit entre ayants droit ne peut être valablement invoquée par l’établissement pour refuser la communication du dossier à l’un d’entre eux, dès lors qu’il remplit les conditions légales d’accès.

Ainsi, il ressort de ce conseil rendu par la CADA que le conjoint marié et les enfants du défunt peuvent à la fois coexister et bénéficier de la qualité de successeur légal et donc d’ayant-droit.

Par ailleurs, en l’absence d’enfant, ont la qualité d’ayant droit le conjoint marié ainsi que les père et mère du défunt.

« La commission rappelle également que l’article 732 du même code réserve la qualité de conjoint successible au conjoint survivant non divorcé. Selon l’article 756 : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». Les articles 757 et 757-1 règlent le partage de la succession entre le conjoint survivant et les enfants du défunt ou les descendants de ceux-ci, ainsi qu’entre le conjoint survivant et les père et mère du défunt, lorsque celui-ci n’a pas laissé de descendance. L’article 757-2 dispose : « En l’absence d’enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession. ».

En application de ces règles, la commission estime que le conjoint survivant non divorcé a, au même titre que les enfants du défunt ou leurs descendants, ou, en l’absence de descendance du défunt, que les père et mère de ce dernier, la qualité d’ayant droit pour l’application de l’article L.1110-4 du code de la santé publique. La présence du conjoint successible prive en revanche de cette qualité les parents du défunt autres que ses enfants ou leurs descendants et que ses père et mère, en l’absence de dispositions testamentaires qui les aient institués héritiers ».

En revanche, tel n’est pas le cas des catégories visées au 2°, 3° et 4° de l’article 734 du code civil (parents, frères et sœurs, grands-parents, nièces et neveux…). Les avis et conseils qui suivent en donnent une illustration.

La commission d’accès aux documents administratifs a été saisie d’une demande de communication d’un dossier médical des parents d’un patient majeur décédé. Elle rappelle que c’est uniquement dans les cas où ils justifient de leur qualité d’ayant droit au sens des articles 734 et 756 du code civil que les membres d’une famille peuvent obtenir communication du dossier médical d’un patient décédé. Elle émet en l’espèce un avis défavorable puisque les documents transmis par les demandeurs (extrait du livret de famille et cartes d’identité) ne suffisent pas à prouver leur qualité d’ayant droit.

En l’espèce, il ressort des éléments dont dispose la commission que le demandeur souhaite accéder au dossier médical de sa tante afin de faire valoir ses droits, comme le permettent les dispositions de l’article L.1110-4 du code de la santé publique. Cependant, la commission observe que le document produit par Monsieur C. pour justifier de sa qualité d’ayant droit ne permet, au mieux, que d’établir un lien de parenté entre le demandeur et la personne défunte mais non de prouver sa qualité d’ayant droit.

La commission estime par conséquent que les informations demandées ne sont pas communicables en l’état à Monsieur C. aussi longtemps que ce dernier n’aura pas établi sa qualité d’ayant droit par un autre moyen (certificat d’hérédité par exemple).

Madame M. a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 31 décembre 2007, à la suite du refus opposé par le directeur du centre hospitalier régional de Metz-Thionville (service des archives médicales & hôpital Notre Dame de Bon Secours) à sa demande de copie du dossier médical de son oncle, Monsieur M., décédé le 15 novembre 2007.

En l’espèce, faute pour la demanderesse d’avoir justifié de sa qualité d’ayant droit de son oncle décédé, dont l’épouse est encore en vie, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable à la communication du document demandé.

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Female Doctor sitting in her Medical Office with Stethoscope talking to Patient
Female Doctor sitting in her Medical Office with Stethoscope talking to Patient

S’agissant des concubins et des signataires d’un PACS, ils n’ont pas la qualité de successeur légal. Ainsi, sauf à être héritiers testamentaires, ils n’ont pas la qualité d’ayant-droit. Pour autant, depuis la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, ils bénéficient du même droit d’accès que les ayants-droit.

Précisions également qu’en cas d’enfant mineur en commun, le concubin ou partenaire de PACS a toujours eu la possibilité, en sa qualité de titulaire de l’autorité parentale, d’effectuer une demande d’accès au dossier médical du défunt au nom et pour le compte de l’enfant qui, lui, a la qualité d’ayant droit.

En pratique, l’établissement de santé qui gère la demande d’accès au dossier d’un patient décédé n’est évidemment pas en mesure de se livrer à une enquête circonstanciée de la composition familiale du défunt pour déterminer si le demandeur a bien la qualité d’héritier et donc d’ayant-droit.

C’est pourquoi, outre la copie de la pièce d’identité, l’établissement devra exiger un justificatif attestant sans ambiguïté, soit de la qualité d’ayant-droit, soit de la qualité de concubin, soit de la qualité de partenaire si signataire d’un PACS :

  • Le conjoint marié et les enfants pourront satisfaire à cette exigence en communiquant simplement une copie du livret de famille attestant du lien de parenté.
  • Les autres ayants droit devront, quant à eux, communiquer un acte de notoriété (acte établi par un notaire qui indique quels sont les héritiers du défunt) à l’appui de leur demande.
  • Le partenaire de PACS devra communiquer une copie du PACS.
  • Le concubin devra communiquer un certificat de vie commune (ou de concubinage) délivré en mairie ou, à défaut, (car toutes les mairies ne délivrent pas ce type de document), une attestation sur l’honneur signée par les 2 concubins.
communication dossier médical majeur sous tutelle cprd

L’établissement doit vérifier la recevabilité des motifs invoqués par le demandeur et ne communiquer que les éléments nécessaires à la réalisation de l’objectif poursuivi.

Le droit d’accès de l’ayant droit est plus limité que celui dont dispose le patient lui-même. En effet, si un patient peut exiger la communication d’une copie intégrale de son dossier (à l’exception des informations recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers – article L1111-7 du code de la santé publique) sans donner la moindre raison, tel n’est pas le cas s’agissant de l’ayant-droit.

En effet, l’ayant droit qui souhaite accéder au dossier médical d’un défunt doit motiver sa demande étant précisé que l’objectif invoqué doit s’inscrire dans l’une des trois catégories listées par l’article L1110-4 du code de la santé publique :

  • connaître les causes de la mort,
  • faire valoir un droit,
  • défendre la mémoire du défunt.

En outre, l’ayant droit ne dispose pas d’un droit d’accès général à l’ensemble des pièces du dossier patient. Il n’est autorisé à accéder qu’aux seuls éléments nécessaires à la réalisation de l’objectif poursuivi (3).

L’équipe médicale responsable de la prise en charge du patient doit donc être mise à contribution pour déterminer quelles sont les pièces du dossier qui se rattachent à l’objectif invoqué. Tout élément étranger à cet objectif doit être exclu de la communication.

En pratique, l’objectif annoncé par l’ayant droit ne peut donc être la simple reprise littérale de l’un des cas listés à l’article L1110-4. La motivation doit être circonstanciée pour permettre à l’équipe médicale d’effectuer le tri des éléments communicables. Précisons que cette exigence ne s’applique pas lorsque l’objectif annoncé est de connaître les causes de la mort puisqu’il s’agit d’un objectif qui se suffit à lui-même. En revanche, l’ayant droit ne pourra pas se contenter d’indiquer qu’il souhaite faire valoir un droit ou défendre la mémoire du défunt.

La commission rappelle que le dernier alinéa de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l’article L. 1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. L’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, seule compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l’objectif invoqué.

La commission rappelle, par ailleurs, que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à la communication d’un document médical. Il appartient au demandeur de préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant.

Un cas de figure mérite d’être précisé : celui dans lequel un ayant droit demande à accéder au dossier d’un patient décédé dans le but de vérifier que sa prise en charge n’a pas été fautive et ce, dans l’éventualité d’engager une action en responsabilité civile contre l’établissement. Cet objectif qui s’inscrit dans la catégorie « faire valoir un droit » implique pour l’ayant droit qu’il puisse accéder à l’ensemble des éléments relatifs à la prise en charge dès lors qu’ils sont potentiellement en lien avec le décès. En effet, l’équipe médicale ne pourra exclure dans ce cas de figure que les informations particulières parce qu’étrangères à la prise en charge litigieuse.

Exemple : un patient décédé d’un arrêt cardiaque au service des urgences peut avoir confié certaines informations à l’équipe médicale sans lien avec la cause de son admission ou de son décès (séropositivité VIH, dépendance alcoolique…).

En conclusion, si la communication d’informations médicales sur un patient décédé constitue un droit incontestable pour ses ayants droit, il nécessite d’être concilié avec le droit au secret qui perdure même après la mort du patient. C’est pour cette raison que de nombreuses vérifications s’imposent avant tout communication.

Références

(1) Le droit d’accès aux ayants-droit a été étendu aux concubins et partenaires de PACS par la loi N°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

(2) Arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès (tel que modifié par l’arrêté du 3 janvier 2007).

(3) L’arrêt du Conseil d’Etat du 26 septembre 2005 (CE N°270234) puis l’arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l’arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne ont précisé ce point.

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