Favoriser l’interdépendance pour créer une culture de la confiance et de l’automotivation
Retrouvez l’interview avec Yvonic RAMIS, Directeur Général des services mutualisés de l’agglomération et de la ville de Moulins et Président de l’ADGCF . Il revient notamment sur la hausse de la reconnaissance des citoyens concernant l’engagement des agents de la FPT pendant la crise sanitaire. Cette mise en lumière a mis en avant la dimension de «sens» dans l’accomplissement de la mission d’intérêt général.
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L’interview Santé au Travail – Covid19
La crise sanitaire a provoqué une hausse de la reconnaissance des citoyens concernant l’engagement de la fonction publique territoriale.
Que retenir de la crise sanitaire en termes de management des effectifs ?
Y.R. : de mon point de vue, ce n’est pas une révolution pour les agents de la FPT. On sait que chez nos agents la notion d’intérêt général a toujours été la source de leur engagement mais il est vrai qu’avec la crise sanitaire, l’importance de leur mission et le rôle nécessaire de ceux qui font les collectivités au quotidien a été mis en lumière par les médias et la population.
En tant que président d’un réseau de dirigeantes et dirigeants territoriaux, j’ai eu la chance d’avoir une vision nationale du travail remarquable qui a été fait par les services des collectivités territoriales sous l’impulsion de leur DGS et DGA à qui on a demandé de trouver les moyens d’assurer les services nécessaires pour nos concitoyens, de réorganiser leur fonctionnement et, dans la majorité des cas, leur gouvernance dans le même temps.
Yvonic RAMIS
Directeur Général des services mutualisés de l’agglomération et de la ville de Moulins et Président de l’ADGCF
Aujourd’hui l’enjeu est de taille. Plus encore que des leçons à tirer, cette crise au long court nous a conforté (pour certains) ou nous a appris (pour d’autres) qu’il s’agissait de repenser notre approche même du management en passant sur un modèle différent ; favoriser l’interdépendance pour créer une culture de la confiance et de l’auto-motivation. Je m’explique : lorsque nous avons dû faire fonctionner nos territoires, il n’était plus seulement questions que chacun sache ce qu’il avait à faire et qu’il le fasse correctement à distance, seul dans son coin mais bien de favoriser le partenariat et la collaboration pour accompagner naturellement la responsabilisation et l’autonomie de nos équipes.
Cela s’est vérifié à l’intérieur de nos organisations publiques, mais aussi et surtout entre organisations publiques particulièrement au sein du bloc communal puisque les agents intercommunaux ont été souvent les plus nombreux en 1ère ligne (services essentiels d’eau, d’assainissement, de gestion des déchets, de transports…). Donner du sens à leur mission et aux projets dont ils partageaient la responsabilité a été nécessaire mais il s’agissait également de créer des moments de co-construction et de cohésion en favorisant la communication pour les embarquer ensemble dans cette aventure dont nous connaissions tous le début mais pas la fin.
Les impacts de l’usure professionnelle pèsent sur les organisations et structurellement le vieillissement des effectifs de la FPT provoque en moyenne des arrêts pour raisons de santé plus longs. Les organisations territoriales se saisissent de ces sujets majeurs avec des maturités différentes.
Quelles sont les priorités à retenir concernant notamment la qualité de vie au travail, selon vous, pour aborder ces sujets dans les années à venir ?
Y.R. : Il serait intéressant d’être enfin dans une démarche d’anticipation concernant ces questions. De nombreuses collectivités et intercommunalités l’ont compris mais le chemin à parcourir demeure encore long.
Tout d’abord concernant l’approche car, de mon point de vue, l’âge doit être synonyme de savoir-faire, d’expérience et de transferts de compétences plutôt que de réduction présumée des performances. Dans un premier temps, l’usure et la fatigue ne doivent pas être un sujet tabou ; il est important de travailler à la source de cette pénibilité en explorant en amont avec les équipes leurs conditions de travail pour confronter leur point de vue et bénéficier de leur expertise et trouver ainsi les moyens à mettre en place pour faciliter leur quotidien et leur apporter du confort.
Réfléchir en développement de compétences et non plus en gestion de carrière strictement, tel est l’enjeu pour que nos services publics locaux soient robustes et performants durablement, en bénéficiant d’agents publics motivés et mobiles positivement tout au long de leur vie professionnelle. Concernant les moyens déployés par nos structures, cela fait des années que les intercommunalités se dotent de stratégies, de documents, de schémas pour gérer les carrières des agents avec toujours la même méthode qui, de mon point de vue, arrive un peu trop tard dans le processus.
Ici encore, il faut faire du sur-mesure. Ce n’est pas parce qu’on a 50 ans qu’on ne peut pas être webmaster ou médiateur ! Pour transformer ces changements en évolutions intéressantes pour toutes les parties prenantes, il serait intéressant d’accompagner ces requalifications à de multiples dimensions ; générationnelle, organisationnelle et culturelle en favorisant les bilans de compétences, les formations et les échanges qui révéleraient des ressources encore méconnues ou ignorées. Sur ce champ, la maille intercommunale me semble constituer l’échelon adéquat de pilotage des ressources humaines.
En raisonnant sur un vivier de compétences à, l’échelle du bassin d’emplois qu’est l’intercommunalité, il devient pleinement possible d’anticiper une usure professionnelle physique et/ou psychologique et de proposer des solutions de mobilités choisies et anticipées entre communes, entre communes et l’intercommunalité, ou même encore avec les autres institutions publiques du ressort intercommunal (hôpitaux, conseils départemental et régional…).
Le management des ressources humaines doit entrer lui aussi dans l’ère des coopérations territoriales et interterritoriales. Certains exemples précis en démontrent le vif intérêt pour le service public et les agents publics eux-mêmes.
Nombre d’employeurs territoriaux parlent d’attractivité, qu’en-est-il de votre définition ?
Y.R. : Cela dépend par ce qu’on entend par « attractivité » ou « marque employeur »… Si on ajoute à la géographie, la taille ou les capacités budgétaires d’un territoire, les défis à relever, son potentiel, le contexte politique et la politique RH. Je pense que nous tenons une bonne définition en ce qui concerne l’attractivité car même si la qualité de vie est le deuxième critère de choix pour un poste, le 1er critère reste le poste en lui-même.
Ensuite, il s’agit de coupler une stratégie de marque employeur avec une stratégie RH attractive et digitale en accompagnement les conjoint(e)s car il est important de rappeler que c’est un frein important pour certains recrutements. L’attractivité de la fonction publique territoriale passe par des politiques RH offensives, transparentes et évolutives ne se limitant pas à l’attrait par le régime indemnitaire.
C’est bien par un faisceau d’actions cohérentes et positives que l’image officieuse de l’employeur public local se construit positivement ou moins positivement, en agissant non seulement sur les éléments de rémunération, mais aussi sur l’action et la protection sociales, la qualité des conditions de vie au travail, ainsi que la cohérence de l’accompagnement RH de l’institution considérée.
Par conséquent, il est essentiel de s’appuyer sur les entreprises du territoire pour déceler leurs besoins mais aussi co-construire des campagnes communes pour avoir une stratégie partagée et relayée. À l’heure des réseaux sociaux, les habitants sont aussi des vecteurs de communication importants. À nous de mettre en musique tous les acteurs, les atouts et les talents pour définir une image de territoire inspirant, connecté et agréable à vivre. Des employeurs publics locaux situés dans des territoires a priori peu attractifs – comme ceux du centre France et du Massif Central où j’exerce – deviennent pour certains et peuvent devenir pour d’autres de réels gisements pour déployer de forts belles carrières professionnelles au sein d’organisations publiques dotées de politiques RH fortes et positives pour l’être humain qu’est l’agent public.