Faire de l’absentéisme un sujet RH de toutes les directions : pourquoi et comment ?
L’absentéisme et l’employabilité sont souvent dans les organisations publiques des sujets circonscrits à la direction des Ressources Humaines et aux acteurs de la prévention. Mais cet état de fait est-il un bien-fondé ? En effet, les directions des Ressources humaines possèdent-elles à elles-seules, tous les leviers d’actions pour lutter contre l’absentéisme ? Ne serait-ce pas plutôt une façon détournée pour les autres directions et parties prenantes de se décharger d’un sujet dont finalement elles ne savent que faire tant il peut être complexe ?
La vérité se trouve probablement à l’intersection des deux !
L’absentéisme, une préoccupation majeure pour les collectivités territoriales
L’absentéisme par sa croissance devenue quasi inéluctable (9.6 % en 2021, + 37 % sur le taux de gravité depuis 2016) est une préoccupation majeure pour les collectivités territoriales. Ce dernier renvoie souvent à des enjeux de maîtrise financière et de qualité de vie au travail. Les collectivités affichent une réelle volonté de s’emparer du sujet allant jusqu’à l’inscrire dans leurs lignes directrices de gestion. Cependant l’écart entre les moyens consacrés à l’objectif n’apporte pas les résultats escomptés, ce qui interroge sur leurs capacités à mener une vraie politique de prévention primaire. Le curatif l’emporte finalement toujours sur le préventif ! Les collectivités se doivent donc d’agir sur un nouveau levier qui pourrait être celui de la responsabilisation.
L’absence d’une culture de gestion du risque RH pointée du doigt à tort ?
Les collectivités déplorent le manque de données fiabilisées, la faiblesse du pilotage, le manque de ressources dédiées et formées, l’inadéquation des mesures mises en place, en bref l’absence d’une culture de gestion du risque RH. En effet, si ces motifs trouvent un fondement réel, une donnée d’entrée favorisant le succès des démarches de gestion de risques et prévention mises en œuvre reste encore souvent oubliée : celle de la mobilisation et de la responsabilisation de l’ensemble des parties prenantes et la création d’une véritable culture commune autour de la lutte contre l’absentéisme.
Rendre le sujet attrayant en faisant de l’absentéisme un sujet RH stratégique
Toutes les bonnes initiatives de lutte contre l’absentéisme ne pourront créer de véritables impacts positifs tant que le sujet ne sera pas perçu comme un des piliers d’une véritable stratégie RH portée par l’ensemble de la collectivité. Parler d’absentéisme, c’est aussi parler de risque de désorganisation, d’apparition de conflits, de coûts directs et indirects, de perte de compétences et donc in fine de baisse de la qualité du service public rendu aux citoyens. Or ce dernier thème est central dans tout projet politique et d’établissement public ! Par conséquent, le lien doit devenir évident entre la disponibilité et la qualité des ressources mises à disposition de la collectivité et la bonne délivrance de ses missions d’intérêt général. Rendre ce sujet RH stratégique ouvre aussi la question du positionnement dans la hiérarchie et de la dimension transverse des personnes qui seraient nominativement en charge de la lutte contre l’absentéisme.
Faire converger l’intérêt de l’ensemble des acteurs de la collectivité concernés
Fort de ce constat, il paraît donc essentiel d’associer autour de ce thème de l’absentéisme et celui sous-jacent de l’employabilité, l’ensemble des parties prenantes concernées, soit la Direction générale, les élus, la Direction des Ressources humaines et de la prévention, les managers et encadrants de proximité, les partenaires sociaux… Pour cela, il s’agit d’aligner l’intérêt que chaque partie prenante pourrait avoir à se mobiliser sur un tel sujet pourtant considéré comme la prérogative des RH et de leurs gestionnaires. Derrière l’absentéisme, ce sont autant de sujets qui s’ouvrent : le respect de la maîtrise budgétaire de la collectivité, l’engagement et la qualité du service public rendu, la motivation avec la qualité de vie et le sens dans son travail, l’employabilité avec l’évolution des compétences et les trajectoires professionnelles, etc.
Si la dynamique doit être collective et globale à l’échelle de la structure, au quotidien, le sujet doit être traité au plus près des agents.
Créer de l’impact sur le sujet de l’absentéisme en luttant contre les fonctionnements en silo
Outre la montée en compétence d’une part importante des acteurs du sujet, cette approche aura une véritable vertu en interne, celle de contribuer à décloisonner les Directions entre elles, mais également de traiter le sujet de l’absentéisme de façon globale. Il s’agit de remettre en cause les découpages souvent instaurées dans les collectivités entre une approche administrative, une approche qualité de vie au travail, une approche employabilité et une approche managériale. Et n’est-ce pas l’articulation fonctionnelle et suivie de toutes ces dimensions qui permettraient d’agir véritablement sur le risque RH et donc sur l’absentéisme ?
Responsabiliser les encadrants en créant une culture et des pratiques communes autour de l’absentéisme
Chassons les idées reçues ! Les questions d’employabilité et d’absentéisme sont à traiter par toutes les Directions. Elles sont à intégrer dans les pratiques managériales. Qui mieux qu’un manager de proximité pour détecter un agent en train de perdre le sens dans son travail ? D’apprécier les évolutions possibles de ses collègues ? D’émettre un avis objectif sur un accident de travail ? Les encadrants doivent être le relais des actions de prévention déployées dans leur service tout en faisant remonter des besoins face à certaines problématiques d’addiction rencontrées ou de conflits.
« Nous sommes convaincus qu’une démarche progressive d’acculturation par des étapes de sensibilisation, information et formation doit être envisagée au sein de la collectivité auprès de l’ensemble des encadrants afin d’insuffler un langage commun, des référentiels communs, des pratiques partagées. Cette approche, comme toute conduite du changement, doit être progressive et s’ancrée dans la durée pour développer une approche de gestion des risques liés à l’absentéisme. L’organisation de séminaires, de formations, d’ateliers de travail, peut être aisément mise en œuvre. »
Déconcentrer la fonction RH par des outils adaptés de pilotage et suivi
Dans toute démarche de gestion du risque, il faut en effet se donner les moyens d’évaluer le risque résiduel et d’évaluer le bénéfice des actions mises en place. Dans la responsabilisation des encadrants, l’effort sera mis pour les outiller de solutions de pilotage faciles à utiliser afin d’extraire des données, de créer des indicateurs et des alertes pour répondre au mieux à leur enjeu de suivi et évaluation de l’absentéisme et de l’employabilité de leur service. Afin de mesurer l’impact du levier de la responsabilisation des managers de proximité, des critères d’évaluation de leur activité pourront être déployés et corrélés aux taux d’absentéisme par service.
En synthèse, lutter contre l’absentéisme et agir en faveur de l’employabilité ressort d’une véritable démarche de gestion des risques qui doit s’appuyer absolument sur l’ensemble des parties prenantes et s’articuler autour d’une étape incontournable de développement d’une culture commune.