Interdiction de visite pour motif médical d’un patient en HO
Un Centre Hospitalier peut opposer à un proche d’un patient admis en soins psychiatriques sans consentement la même interdiction de visite que celle pouvant être opposée au visiteur de n’importe quel malade.
CAA Bordeaux 8 décembre 2015, N° 15BX02216
Les faits
Initialement hospitalisé avec son consentement en secteur libre, le patient a été transféré, le 25 mai 2010 dans une unité de soins fermée suite à l’agression d’un membre du personnel. Le lendemain, le préfet a ordonné son hospitalisation d’office dans le même établissement pour une durée de deux mois (jusqu’au 28 juin 2010).
N’ayant pas obtenu l’autorisation de rentre visite à son fils les 28 mai et 1er juin 2010, le père du patient intente une action aux fins d’annulation des deux décisions litigieuses.
Procédure et décision
Par une ordonnance du 13 octobre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en considérant qu’elle ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative. La cour administrative d’appel de Bordeaux a, par un arrêt du 11 février 2014, confirmé cette incompétence.
Le Conseil d’Etat a lui annulé cette décision dans un arrêt n° 381648 du 26 juin 2015.
Il a, à cette occasion, estimé que la juridiction administrative était compétente dans la mesure où :
« la décision par laquelle un établissement public de santé refuse à un tiers le droit de rendre visite à une personne hospitalisée sans son consentement a le caractère d’une mesure prise pour l’exécution du service public hospitalier qui ne porte pas atteinte à la liberté individuelle ».
Sur le bien-fondé médical et la légalité de ces décisions, le Conseil d’Etat renvoie l’affaire devant la cour administrative d’appel de Bordeaux.
La CAA ainsi saisi précise tout d’abord que le centre hospitalier concerné a pris les décisions en litige sur un mauvais fondement (article L 3211-3 du code de la santé publique relatif aux restrictions à l’exercice des libertés individuelles). La cour précise en effet que le fait de refuser à une personne (voir la personne de confiance en ESMS) le droit de rendre visite à un patient hospitalisé sans son consentement ne porte pas atteinte à la liberté individuelle de ce patient.
Le juge estime alors que la décision contestée aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d’appréciation, sur le fondement d’un autre texte.
Il substitue donc le fondement suivant à celui litigieux :
« En vertu de l’article R. 1112-47 du code de la santé publique : » Les visiteurs ne doivent pas troubler le repos des malades ni gêner le fonctionnement des services. Lorsque cette obligation n’est pas respectée, l’expulsion du visiteur et l’interdiction de visite peuvent être décidées par le directeur. (…) Les malades peuvent demander aux cadres infirmiers du service de ne pas permettre aux personnes qu’ils désignent d’avoir accès à eux. « .. ».
Le juge conclut ensuite que, eu égard à la nécessité de préserver l’état de santé du patient et à son besoin de repos, le centre hospitalier aurait pris les mêmes décisions s’il s’était fondé sur les dispositions précitées.
En l’espèce, le refus de visite était médicalement justifié dans la mesure où un certificat médical rédigé par le chef du pôle psychiatrique de l’hôpital rappelle que le fils du requérant a été hospitalisé d’office à la suite d’un passage à l’acte dangereux sur un membre du personnel et qu’il refusait son traitement, ce qui augmentait le risque d’hétéroagressivité. De plus, le patient avait à l’époque fait savoir aux médecins qu’il refusait de voir son père.
Cette affaire nous rappelle les obligations de surveillance en psychiatrie, que la surveillance soit physique ou psychiatrique.
Commentaire des juristes
Trois apports sont à retenir de cette décision :
- Le refus opposé au parent d’un patient hospitalisé d’office de lui rendre visite trouve son fondement légal non pas dans l’article L 3211-3 du code de la santé publique relatif aux restrictions individuelles en matière de soins psychiatriques sans consentement mais dans l’article R 1112-47 dudit code applicable à tous les malades.
- Le juge peut, de sa propre initiative, procéder à une substitution de base légale, lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise sur le fondement d’un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, sous réserve toutefois que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l’application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
- La décision de refus de visite peut être justifiée par le refus du patient ainsi que par son état de santé qui, en l’espèce, faisait redouter une crise clastique à laquelle l’établissement ne pouvait pas exposer les visiteurs.
Nota Bene : Un recours en cassation a été formé contre cette décision.
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