Management et droit à l’erreur
Si le droit à l’erreur est désormais entré dans le langage courant en matière d’obligations sociales et fiscales (déclaration d’impôts, par exemple), il est longtemps resté aux portes du monde du travail. La crise sanitaire, parfois combinée au changement d’élu au sein des collectivités, a pourtant poussé les managers à une plus grande tolérance vis-à-vis de l’erreur, dans un contexte très incertain et mouvant. Cette attitude adaptative a participé au maintien du service public pendant la crise sanitaire. Pourtant, ce droit à l’erreur n’est pas encore pleinement intégré aux bonnes pratiques managériales courantes. Pourquoi le mettre en place et comment s’y prendre, telles sont les principales questions auxquelles nous proposons d’apporter des réponses.
Qu’entend-on par « erreur » dans le cadre professionel ?
Pour définir ce terme, il est important de le distinguer d’autres notions auxquelles il est souvent assimilé abusivement :
- La faute : Elle fait référence à une dimension morale qui n’a pas pleinement sa place dans le travail. Raisonner en termes de fautes conduit l’agent à vivre cette situation avec honte et culpabilité, à paralyser son action et à modifier sensiblement son niveau d’implication.
- L’échec : Il revêt également une connotation négative, non sans incidence sur la motivation du ou des agent(s) concerné(s) : il sous-entend que la situation (ou le résultat) est totalement insatisfaisante, sans espoir d’amélioration et a un caractère définitif.
Évoquer une « erreur », c’est constater que le résultat n’est pas conforme à celui escompté. L’idée est alors d’en rechercher les causes avec les agents impliqués et d’identifier ensemble des
solutions pour continuer à avancer ou pour éviter que le même type d’erreur ne se reproduise. La démarche est constructive et mobilisatrice.
Par ailleurs, rappelons que commettre une erreur est un acte involontaire. Il ne s’agit donc pas de sabotage ou de mauvaise volonté.
Le droit à l’erreur peut-il être mis en œuvre dans le cadre de n’importe quelle activité ?
Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur l’impact de l’erreur. Si l’activité engage des vies humaines, le droit à l’erreur se doit d’être nul ou tout au moins proche de zéro. A chaque collectivité, à chaque manager de placer le curseur de ce droit selon les conséquences jugées acceptables de l’erreur. Ainsi, dans certains cas, par exemple, en matière de gestion des marchés publics, de paie, de communication externe, le
droit à l’erreur est plus limité.
Quels sont les effets bénéfiques du droit à l’erreur ?
Avoir le droit à l’erreur autorise l’agent à prendre des initiatives, à agir en autonomie. Pour un manager, donner le droit à l’erreur, c’est manifester à l’agent la confiance qu’il a en lui et reconnaître ses compétences, contribuer à lui donner confiance, à le motiver et à le responsabiliser. Cela s’applique également aux équipes comme aux groupes-projets.
Le droit à l’erreur doit être considéré comme une opportunité de progresser individuellement et collectivement. Il trouve toute sa place dans la mise en œuvre d’une organisation hybride du travail (site/télétravail). Cela constitue, par ailleurs, l’une des réponses aux attentes des nouvelles générations à l’égard de leur manager et de leur employeur.
Comment manager en accordant le droit à l’erreur ?
On accorde facilement le droit à l’erreur à un agent prenant de nouvelles fonctions, le temps qu’il acquière les compétences inhérentes à son poste de travail. Les changements, de plus en plus fréquents, auxquels doivent faire face les collectivités ne mettent-ils pas tous les agents (managers inclus) dans une situation d’apprentissage permanent et d’amélioration continue ?
Cela conduit chacun à expérimenter de nouvelles pratiques, de nouveaux outils.
Or, expérimenter revient, d’une part, à accepter l’éventualité d’une erreur et d’autre part, à en tirer les enseignements pour avancer, parfois dans une direction différente de celle imaginée initialement.
Accorder le droit à l’erreur, c’est avant tout mettre en confiance et laisser de l’autonomie : confier un projet à un agent, accepter qu’il mette en œuvre son idée ou, tout simplement, le laisser faire son travail sans regarder sans cesse par-dessus son épaule.
Mais cela ne se fait pas sans poser, au préalable, un cadre clair. Le manager précise aux agents que si l’erreur est tolérée, elle doit lui être signalée dès qu’elle est identifiée afin de pouvoir prendre les mesures correctives nécessaires au plus vite et éviter ainsi que la situation ne dégénère ou ne se reproduise, le cas échéant. Cacher une erreur est un comportement qui doit donc être sanctionné.
En pratiquant le droit à l’erreur, les collectivités gagnent une capacité individuelle et collective à innover et à s’adapter, pour faire face aux changements et aux crises, pour relever les nouveaux défis.
Les étapes à suivre par le manager en cas de détection d'une erreur
Le manager cherche, lors d’un échange avec l’agent, ce qui a conduit à l’erreur. Tous les paramètres de la situation doivent être pris en compte : contexte, charge de travail, fréquence de la situation, processus, outils, compétences, autres moyens.
Écoute, ouverture, confiance, proactivité et bienveillance sont les attitudes fondamentales qui accompagnent cette étape.
Cet échange peut être complété par un recueil d’informations sous différentes
formes (analyse documentaire…).
Recherche des meilleures solutions possibles, s’il en existe, avec l’agent, avec l’équipe, voire avec la direction, selon l’enjeu.
Exemple d’actions : l’information-la formation relative au sujet, la modification de l’organisation du travail au
niveau du service, le travail en binôme sur une tâche donnée, la relecture mutuelle de documents, l’utilisation
d’outils favorisant l’auto-contrôle, le soutien du manager dans la gestion des priorités.
Si, malgré les mesures prises, le même type d’erreur se répète, pour un même agent ou au sein de l’équipe, il faut vérifier si les leviers actionnés pour s’ajuster étaient ou non les bons et si l’agent avait mis en œuvre ces mesures.
Dans le cas où l’agent ne l’aurait pas fait, un entretien de recadrage avec l’agent s’imposerait.
Les facteurs de succès de la mise en œuvre du droit à l’erreur dans les collectivités
Une pratique collectivement partagée, qui s’appuie sur :
- La communication auprès de l’ensemble des agents sur le droit à l’erreur.
- La formation des managers pouvant porter sur les thèmes suivants :
– L’écoute active dans le cadre d’une communication courante ou de la conduite d’entretiens,
– La pratique du management bienveillant,
– Le management positif. - Le coaching des managers visant à faire évoluer leur posture.
- Le partage entre pairs des bonnes pratiques managériales.
- La mise en place de groupes de travail afin de faire émerger les valeurs à l’échelle de la collectivité.