L’absentéisme dans la fonction publique : enjeux, causes et solutions
L’absentéisme dans la fonction publique est devenu un enjeu central des politiques RH des organisations, tant il affecte la délivrance de la mission de service public. Ces absences ne sont pas pour autant une fatalité. Dans cet article, nous revenons sur les enjeux et les causes de l’absentéisme ainsi que sur les solutions concrètes à mettre en œuvre pour une gestion efficiente de l’absentéisme au sein des organisations.
L’absentéisme dans la fonction publique territoriale : un phénomène en progression constante
Lorsque l’on aborde l’absentéisme dans la fonction publique territoriale (FPT), une attention particulière doit être portée sur le taux d’absentéisme qui affiche une progression notable (+16% entre 2012 et 2023(1)). Bien que les profils d’absences soient différents selon les compétences exercées par les collectivités et la taille de leur effectif, la croissance du taux d’absentéisme concerne toutes les strates des organisations. Ce phénomène de hausse s’inscrit dans un contexte de vieillissement de la population active des collectivités et d’allongement du temps de travail.
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Enjeux et conséquences de l’absentéisme dans la fonction publique
L’absentéisme constitue un défi majeur pour les organisations avec des répercussions multiples. La gestion de l’absentéisme englobe des enjeux managériaux, économiques et organisationnels. Elle interroge également la santé au travail ainsi que la qualité de vie et des conditions de travail des agents.
Les enjeux de l’absentéisme
L’absentéisme croissant dans la fonction publique présente des enjeux majeurs pour plusieurs acteurs :
- Les agents en poste, qui se retrouvent fréquemment contraints de pallier, d’une manière ou d’une autre, les sous-effectifs provoqués par l’absence de leurs collègues, ce qui peut peser sur leur charge de travail.
- Les employeurs territoriaux, qui doivent assurer la continuité des missions de service public, souvent au prix d’efforts considérables en termes d’énergie et de dépenses.
- Les assureurs statutaires, qui rencontrent des difficultés pour mutualiser les risques et maintenir un équilibre financier durable dans la gestion de leurs portefeuilles de contrats.
Les conséquences de l’absentéisme dans la FPT
L’absentéisme s’avère être un phénomène aux multiples conséquences, se traduisant par :
- Des coûts financiers considérables : l’absence d’un agent engendre un coût financier direct important. À titre d’exemple, en 2023 le coût moyen direct par agent (1) est estimé à 2254 € et le coût moyen d’une longue maladie est de 76350 € et peut atteindre 97000 €. Au-delà de la prise en charge des indemnités journalières et des frais médicaux immédiatement perceptibles par la collectivité, les coûts indirects doivent également être pris en considération pour calculer l’impact financier total.
- Une dégradation du service public : l’absentéisme affecte la qualité et la continuité de la mission d’intérêt général en impactant le service rendu aux usagers (par exemple, avec la fermeture de certains services, notamment dans les petites collectivités).
- Une détérioration des conditions de travail : l’absentéisme affecte les conditions de travail des agents présents qui doivent compenser les absences. La surcharge de travail peut augmenter le stress, créer des tensions dans l’environnement de travail et à terme générer des absences supplémentaires.
- La désorganisation des services : en entraînant la réorganisation constante des services, l’absentéisme perturbe significativement le fonctionnement des organisations et impacte leur productivité et leur efficacité globale.
Quelles sont les causes d’absence dans la FPT ?
Les natures et les causes des absences au travail sont variées et toutes ne sont pas évitables. Or, par abus de langage, lorsque l’on parle d’absentéisme, on réduit les natures d’absence à celles que l’on considère pouvoir être évitées. En partant de ce constat, il est intéressant de regarder plus précisément les différentes causes d’absence et leurs natures afin d’identifier celles sur lesquelles l’employeur peut réellement agir.
Les motifs d’absences les plus courants dans la FPT
Lorsque l’on aborde l’absentéisme dans la Fonction Publique Territoriale (comme dans le privé, ou d’autres versants de la fonction publique), il faut avoir conscience que les motifs d’absence au travail sont multiples. Les absences pour raison de santé, souvent mises en avant sont loin d’être les seules raisons d’absences. On peut citer dans les différentes causes d’absences :
- Les arrêts en maladie ordinaire
- Les arrêts longue maladie, longue durée et maladie grave
- Les arrêts lors d’accidents de travail (accidents de service, accidents de trajet, maladies professionnelles)
- Le congé maternité / paternité / adoption
- Le congé parental d’éducation
- Les congés pour évènements familiaux
- Les absences pour révision et concours
- Les congés pour motif syndical ou de représentation
- Le congé individuel de formation
- …
Maxime Perrot, Manager des Risques Relyens : « Ces natures d’absence sont variées, et elles ne sont pas toutes évitables. Par abus de langage, lorsque l’on parle d’absentéisme, on réduit ces natures d’absence à celles que l’on considère pouvoir être évitées, des absences que l’on nomme absences « compressibles » En partant de ce constat, il est intéressant de regarder plus précisément par type d’absence quelles sont les absences sur lesquelles l’employeur peut agir. »
Le classement des 3 grands types d’absence au travail
Pascal GALLOIS, ancien DRH et Consultant en management Social, apporte un regard différent sur l’absentéisme dans son ouvrage « L’absentéisme, comprendre et agir ». Il évoque notamment trois grands types d’absentéisme :
L’absentéisme structurel est induit par le fonctionnement « normal » d’une organisation de travail. L’absence des agents à leurs postes de travail n’est pas en lien avec leur état de santé mais avec d’autres raisons, choisies et anticipables telles que les congés annuels, les RTT, les jours de formation, les jours de délégation syndicale, les jours de récupération, le congé maternité…
Ces absences ne sont pas compressibles et ne sont pas à réduire. Il convient néanmoins d’apporter une attention particulière à leur gestion et leur organisation.
Par exemple, des congés validés en période de pic d’activité vont avoir pour incidence de mettre le collectif en tension et ainsi dégrader les conditions de travail.
De même, la non-anticipation du remplacement d’un congé maternité induit une mise sous tension du service RH pour le recrutement et des collaborateurs qui devront compenser l’inexpérience possible du remplaçant arrivé au dernier moment.
L’absentéisme conjoncturel s’impose à l’agent et à la collectivité. Les causes sont subies, soit par la collectivité, soit par l’agent lui-même et ont pour effet d’empêcher l’agent d’être présent. Ces causes peuvent être endogènes ou exogènes à la collectivité.
Exemple sans lien avec la santé : impossible de se rendre au travail à cause du verglas ou d’une inondation, une grève de transport en commun, une panne de voiture…
Exemple en lien avec la santé des agents : virus saisonnier, épidémie, accident de travail / trajet, maladie professionnelle…
Ces absences conjoncturelles représentent la part d’absences compressibles la plus importante pour l’employeur, qui possède de nombreux leviers pour agir. Une approche selon la méthodologie du « management des risques » permettra d’en identifier les causes potentielles et d’en prioriser / arbitrer leur maîtrise en fonction de l’impact attendu puis d’en mesurer l’efficacité (à l’instar du Document Unique pour les risques professionnels).
1. L’absentéisme dysfonctionnel « comportemental » intègre la notion « d’abus », mais la dépasse. Les abus peuvent effectivement exister, mais les résultats des contrôles médicaux réalisés par les employeurs montrent que ceux-ci restent minoritaires. Aussi, l’absence dysfonctionnelle est à considérer comme celle résultant d’un état global de l’agent qui le conduit à être dans une situation de désengagement et de démotivation.
Exemple : un agent qui, après une absence de plusieurs semaines à la suite d’un acte chirurgical, retarde l’échéance du retour au travail alors que sa période de convalescence « classique et prévisible » arrive à son terme.
Ces absences sont justifiées par un certificat médical ; elles sont donc légitimées médicalement. Mais, même légitimée, la capacité d’un agent à travailler reste possiblement subjective. Venir ou non au travail ? Plusieurs facteurs entrent en jeu.
La motivation individuelle
Exemple d’une ATSEM qui se rend au travail malgré un rhume pour ne pas laisser l’enseignant(e) seul(e) et les élèves sans aide.
Les obligations de coopérations avec le collectif
Un agent qui doit présenter un projet en binôme avec son collègue et qui décide de venir travailler malgré une entorse à la cheville.
L’aptitude au travail
Souffrir d’une extinction de voix devient rédhibitoire pour un agent d’accueil ou un guide touristique, alors que cela semble être moins impactant pour agent plus « administratif ».
2. L’absence dysfonctionnelle « administrative ». La légendaire simplicité du statut et de ses règles implique un processus de gestion des arrêts précis, minutieux, qui ne peut souffrir d’aucune approximation et demande même beaucoup d’anticipation.
Dans les collectivités territoriales, ce processus est inégalement maîtrisé et de plus, il est fortement dépendant de tiers extérieurs comme les médecins experts agréés (et leurs disponibilités) ou encore le conseil médical.
Ainsi, des arrêts sont fréquemment prolongés « administrativement ». La motivation de ces prolongations d’arrêt n’est pas médicale (l’agent veut/peut reprendre) mais les éléments administratifs indispensables à sa réintégration ne sont pas disponibles. Par exemple, l’attente d’un rendez-vous avec un médecin expert qui doit donner un avis ou encore la décision du conseil médical.
Quelles solutions pour réduire l’absentéisme dans la fonction publique ?
Pour actionner des leviers pertinents, iI faut avant tout distinguer dans les types d’absences, celles qui sont « non compressibles » – c’est-à-dire celles sur lesquelles l’employeur n’a aucune action possible – de celles dites « compressibles ». Ces dernières sont bien celles pour lesquelles une action de l’employeur peut influer sur la présence de l’agent.
Agir sur les absences structurelles (non compressibles)
Les absences structurelles sont par essence non compressibles (ou ne doivent pas l’être). Le levier va donc consister à organiser ces absences de façon à engendrer le moins de conséquences possibles sur l’activité et les agents présents.
Exemple : sur une période de courte durée, suspendre les départs en formations au sein d’une équipe permet de maintenir au poste X agents, et ainsi assurer la continuité de service dans un moment d’activité dense.
Mal organisées, ces absences peuvent générer des discontinuités d’activité ou placer les agents présents sous tension, donc être source directe d’absentéisme (l’absentéisme génère l’absentéisme).
L’enjeu principal n’est donc pas de limiter les absences structurelles, mais de les organiser pour en maîtriser les éventuels impacts négatifs.
Agir sur les absences conjoncturelles (en partie compressibles)
Les absences conjoncturelles sont en partie compressibles. Les leviers à actionner seront différents selon la nature de l’absence conjoncturelle :
- Les absences qui trouvent un ancrage au travail (accidents de service, maladies professionnelles, voire accidents de trajet) sont effectivement évitables et ne sont jamais une fatalité. Les assistants et conseillers de prévention dans les collectivités œuvrent au quotidien !
- Les absences en Maladie Ordinaire, Longues Maladies et Longues Durées peuvent, elles aussi, trouver leurs causes dans la sphère professionnelle, notamment si la qualité de vie et des conditions de travail est discutable : pénibilité, ambiance thermique ou climatique, mésentente/conflit, management… Il y a donc là aussi matière à intervenir pour un employeur.
- Concernant les absences induites par l’état de santé de l’agent en dehors d’une cause professionnelle (maladie, grippe, gastro, fatigue, …), l’employeur a-t-il la possibilité d’influer sur le maintien d’un bon état de santé de ses agents ? En a-t-il la légitimité ? Il peut être incitateur, facilitateur ; mais la décision de faire appartient aux agents qui restent aux commandes de leur vie.
Exemples :
- Organiser une campagne vaccinale contre la grippe sur le lieu de travail et en facilité l’accès pour le personnel,
- Lancer un plan de communication autour de l’importance du sommeil et des cycles circadiens,
- Faciliter l’accès au sport…
Agir sur les absences dysfonctionnelles (compressibles)
Les absences dysfonctionnelles sont elles aussi compressibles. Si celles-ci sont dues à une démotivation et un désengagement, l’employeur à des marges de manœuvre. Néanmoins, les leviers sont nombreux et interconnectés. Chez Relyens, nous identifions dix thématiques à appréhender pour instaurer des conditions de travail favorables pour les agents.
Pour en savoir plus sur notre démarche d’amélioration QVCT
Contacter nousComment réduire l’absentéisme dans la fonction publique ?
La réduction de l’absentéisme dans la fonction publique repose à la fois sur la mise en œuvre d’une approche globale et sur un processus de gestion des absences adapté.
Prévenir l’absentéisme par le management des risques : une approche globale et efficiente
Afin que les acteurs des territoires puissent délivrer leur mission d’intérêt général efficacement en limitant l’absentéisme, une approche proactive et structurée par le management des risques s’avère indispensable :
- ANTICIPER grâce à l’ANALYSE des absences
L’analyse vise à mettre en place des actions ciblées pour traiter les absences en cours en s’appuyant sur le suivi administratif RH et managérial. Elle permet également d’identifier les zones à risque, et d’anticiper les absences futures notamment grâce à l’intelligence artificielle. - RÉDUIRE la période d’absence par une plus grande RÉACTIVITÉ
Une fois l’absence effective, quelle qu’en soit la nature ou la cause, plusieurs leviers peuvent être activés par l’employeur, comme : maintenir la communication avec l’agent arrêté afin de faciliter son ré accueil. - MESURER l’impact par une nouvelle ANALYSE
Dans une stricte conformité aux démarches d’amélioration continue (méthode PDCA pour les initiés), il est essentiel que l’impact des actions entreprises soit mesuré afin de s’assurer de leur efficacité et de leur pertinence.
Maîtriser l’absentéisme par l’optimisation des process de gestion
Un processus de gestion des absences efficace repose sur la définition de procédures concernant non seulement la déclaration mais également le suivi de ces absences.
En fonction de l’organisation de la structure, plusieurs actions sont à mettre en œuvre :
- Recenser le rôle, préciser les délais de déclaration, de transmission des justificatifs et les obligations de chaque acteur intervenant dans le circuit de gestion des absences : le service des ressources humaines, l’agent, le conseil médical, le médecin de prévention ou encore les managers ou responsables de service.
- Communiquer la procédure auprès des acteurs et dans l’idéal la rendre accessible. Elle sera revue régulièrement en fonction des modifications au sein de l’organisation ou des évolutions réglementaires.
- Définir qui délivre les attestations de prise en charge permettant de bénéficier du tiers payant pour les frais médicaux. Dans l’idéal, un contrôle a priori de l’imputabilité doit être réalisé.
- La procédure de reconnaissance de l’imputabilité devra être précisée. Il est important de statuer rapidement, de façon régulière et en toute connaissance des textes réglementaires.
- Définir un processus efficace pour le suivi des absences qui permettra d’avoir une vision au plus juste des absences et d’être réactif en anticipant les obligations réglementaires comme le passage devant le conseil médical.
Le contrôle médical
Définir une politique de contrôle médical permet d’engager l’organisation dans l’analyse des absences pour raison de santé selon des critères prédéfinis, de mieux maîtriser voire de réduire ces absences. Il est alors possible d’élaborer un circuit de traitement des contre-visites et de mise en œuvre d’expertises médicales.
Ces deux outils permettent en autres de vérifier le bien-fondé des arrêts de travail, de gérer efficacement les évènements imputables au service, d’anticiper une date de reprise, de détecter les besoins d’aménagement de poste ou de reclassement…
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Conclusion
En conclusion, l’absentéisme croissant dans la fonction publique compromet la délivrance de la mission de l’intérêt général et devient plus que jamais un enjeu majeur de la fonction publique territoriale. Agir sur les multiples facteurs de l’absentéisme, ne peut pas se limiter à une action unique. Une réponse globale et diversifiée, reposant sur des solutions complémentaires est devenue indispensable pour adresser efficacement ce défi.
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