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Sécurité des soins Amélioration des pratiques
Publié le 28 mai 2021 Modifié le 26 septembre 2024
Temps de lecture : 7 minutes

Une nouvelle approche de la responsabilité civile médicale

En l’absence de personnalité morale du GHT, les établissements parties demeurent pleinement et personnellement responsables à l’égard du patient des actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés en leur sein.

Une nouvelle responsabilité médicale

Reste que les coopérations développées et la mise en place de parcours inter-établissements renforcent et complexifient l’analyse de la responsabilité médicale :

« Il est vrai que le GHT complexifie la chaîne de responsabilités, parce que nous restons des établissements autonomes et que l’établissement support porte le poids juridique d’un certain nombre de dispositifs, sans disposer de l’autorité hiérarchique sur la totalité des agents ou des chefs d’établissements des sites qui sont amenés à les mettre en oeuvre concrètement. »

« Dès lors qu’il y a des parcours différents, cela va sans doute générer une certaine complexification à l’occasion d’actions en responsabilité civile médicale, que peuvent exercer les victimes. »

L’analyse du partage de la responsabilité dans le cadre de coopération inter-établissements n’est pas quelque chose d’inédit. En effet, la jurisprudence administrative a déjà eu à trancher des litiges assez similaires, concernant notamment les SAMU et les transports de patients :

Monique CAVALIER
Ancienne Directrice générale de l’ARS Occitanie

« Sur les questions de partage de responsabilité entre établissements, le GHT ne vient pas complètement traiter le sujet. »

En effet, concernant un dommage survenu à l’occasion d’un parcours de soins et d’un transfert de patient, le Conseil d’État, dans un arrêt du 18 février 2010, a dégagé une jurisprudence et des principes, favorables aux victimes : « Ainsi, compte tenu de la collaboration étroite entre le SAMU, les S.M.U.R et les services d’accueil et de traitement des urgences, la victime d’une faute commise à l’occasion du transfert d’un établissement vers un autre peut, lorsque les services impliqués dépendent d’établissements de santé différents, rechercher la responsabilité de l’un seulement de ces établissements ou leur responsabilité solidaire, sans préjudice des appels en garantie que peuvent former l’un contre l’autre les établissements ayant participé à la prise en charge du patient. (CE 18 février 2010, Aujollet) ».

Néanmoins, la configuration nouvelle du GHT soulèvera risques nouveaux et incertitudes au sein du GHT et questions juridiques nouvelles par rapport au schéma classique « un patient-un hôpital » :

Me Didier LE PRADO
Avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation

« Dans la mesure où les GHT n’ont pas la personnalité morale, si un dommage survient à l’occasion d’un parcours de soins au sein d’un GHT, la victime ne pourra pas rechercher la responsabilité du GHT en tant que tel, elle pourra soit appeler chacun des hôpitaux qui l’ont pris en charge, indépendamment de la convention qui aura été conclue entre eux, soit éventuellement l’établissement support, compte tenu de son rôle spécifique dans l’organisation du GHT. »

Répartition des responsabilités médicales

La mise à disposition du personnel et la répartition des responsabilités entre l’établissement d’origine et son établissement d’accueil dans le cadre de cette mise à disposition constituent également un point de vigilance majeur :

« La gestion du risque liée à la mise à disposition d’agents va forcément poser des questions et devra sans doute être améliorée. »

« La mise en place d’équipes médicales communes implique qu’une chaîne de responsabilité se mette en place. »

nouvelle approche de la responsabilité civile médicale

Dans la « Foire aux questions », mise en ligne en décembre 2017, la DGOS aborde précisément cette question. À la question ainsi libellée « Si je commets une faute dans le cadre d’une mise à disposition, qui sera compétent ? L’établissement partie du GHT ? L’établissement support du GHT ? », la DGOS apporte la réponse suivante :

« Le directeur de votre établissement d’origine, en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination, exerce le pouvoir disciplinaire à votre encontre. C’est donc le directeur de l’établissement partie d’origine qui disposera d’une compétence pleine et entière en matière disciplinaire. Il sera saisi, le cas échéant, par un représentant de l’établissement support ».

Ainsi, les conventions inter-établissements apparaissent essentielles pour prémunir les établissements respectifs en cas de dommage :

Dr Cynthia GARIGNON
Médecin coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins au Centre Hospitalier de Saint-Brieuc

« Concernant les consultations avancées, les conventions inter-établissements déterminent les temps d’échanges des praticiens et les responsabilités des uns et des autres. »

Les éléments précisés dans les conventions inter-établissements peuvent en effet éclairer le partage de responsabilité s’agissant d’une faute commise par le praticien, dans le cadre d’une mise à disposition. Cependant, ce partage a priori des responsabilités pourrait s’avérer insuffisant en cas de litige et de la nécessaire recherche des causes du dommage entre la faute médicale et le défaut dans l’organisation et le fonctionnement du service.

Un des objectifs du pôle inter-établissements, créé par la loi du 26 janvier 2016, était justement de mettre en place une responsabilité médicale commune. Un point souligné dans le rapport de préfiguration de la réforme, de Jacqueline HUBERT et du Dr Frédéric MARTINEAU : « Nous recommandons de confier au chef de pôle inter-établissements les mêmes moyens qu’au chef de pôle. Cela signifie qu’il bénéficie donc de l’autorité fonctionnelle sur les professionnels du pôle, quel que soit l’établissement employeur de ces professionnels. À ce titre, il doit pouvoir organiser l’activité des professionnels en affectant les ressources afin de mettre en oeuvre la stratégie médicale du GHT. »

En pratique, malgré des avantages juridiques certains, les pôles inter-établissements n’ont pour l’instant pas suscité une adhésion particulière des communautés médicales, qui continuent de lui préférer la fédération médicale inter-hospitalière.

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Cas d’une infection liée aux soins

Autre élément qui complexifie l’identification des responsabilités entre les établissements parties d’une même chaîne de soins : la survenance d’une infection nosocomiale :

Me Didier LE PRADO
Avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation

« Cette problématique du lien de causalité, c’est-à-dire déterminer le service au sein duquel soit une infection nosocomiale a été contractée, soit un événement indésirable s’est produit, existait déjà indépendamment des GHT. Mais elle sera plus souvent posée qu’aujourd’hui dès lors que les patients passeront davantage au sein d’établissements différents dans le cadre de leur parcours de soins. »

nouvelle approche de la responsabilité civile médicale 2_0

À ce jour, il n’existe pas de jurisprudence établie permettant de décrire les conséquences en termes de responsabilité civile médicale de la mise en place des GHT.

Néanmoins, il s’avère probable que face à ces situations nouvelles, le juge administratif applique des principes proches de la jurisprudence existante sur les coopérations médicales et favorables aux victimes.

Tout cela va se clarifier au fur et à mesure de l’harmonisation des pratiques en GHT.

Ainsi, la victime pourrait avoir la possibilité d’agir contre l’hôpital au sein duquel elle a été soignée, mais également s’il existe une coopération organisée, tel un pôle inter-établissements, de demander une condamnation solidaire des deux entités.

Sur ce point, doter le GHT de la personnalité morale, pourrait constituer une clarification intéressante de la responsabilité médicale en permettant aux victimes d’avoir un interlocuteur unique pour prendre en compte un dommage lié à des difficultés dans le parcours de soins ou lié à la mise à disposition de personnel. En effet, la réforme des GHT implique une évolution du parcours patient et de nouvelles coopérations médicales à prendre en compte ou encore des opportunités dues à la réforme du Code des marchés publics.

Par suite, l’augmentation et la complexification des contentieux entre établissements d’un même GHT, pourraient être une des conséquences du renforcement des coopérations et de la gradation des soins :

Me Didier LE PRADO
Avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation

« Dans ce contexte, il y aura nécessairement un risque de voir davantage d’actions récursoires, d’appels en garantie entre les établissements. À partir du moment où il y a une complexification du parcours, cela va en effet générer des actions en garantie entre établissements. Toutefois, ce risque diminuera et cette question d’appel en garantie sera moins prégnante si les établissements membres du GHT ont un seul et même assureur. »

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