Risques nouveaux et incertitudes au sein du GHT
D’un premier abord, la mise en place des GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire), au travers la définition de parcours de soins gradués et la spécialisation des Centres Hospitaliers, apparaît comme un point extrêmement positif en termes de maîtrise du risque médical et donc de service rendu à l’usager. Néanmoins, à terme, la transformation des organisations génère des risques différents.
Une nouvelle organisation pour des risques nouveaux
La mise en oeuvre d’une offre de soins graduée par filière de soins, la définition au sein d’un projet médical partagé de la permanence et la continuité des soins, les modalités de mise en place de consultations avancées, le nouveau parcours de santé et ses nouvelles coopérations médicales sont autant d’éléments qui placent les établissements dans des situations inédites :
« Aujourd’hui, nous sommes habitués en termes d’indicateurs ou via la certification à apprécier la sinistralité par établissement, mais demain cette sinistralité ne pourra plus s’apprécier uniquement à l’échelle d’un seul établissement, et devra probablement être mesurée à l’échelle du GHT et du parcours patient. Il est tout à fait possible de voir le risque se déporter sur la coordination des parcours à l’intérieur du GHT, ou même de voir des risques liés à l’augmentation des déplacements des équipes, notamment médicales, avec des distances longues à parcourir. »
Mise en place de filières de soins
En premier lieu, la mise en place de filières des soins pose la question des points d’interface. Dans son rapport de mars 2017 « Groupements Hospitaliers de Territoire et santé publique », le Haut Conseil de la Santé Publique soulignait ainsi la problématique :
« Les points de fragilité d’une filière de soins en termes de qualité des soins et de sécurité des patients sont particulièrement marqués aux interfaces des étapes élémentaires de ces parcours, c’est-à-dire aux moments où les patients sont confrontés à des équipes différentes, des organisations différentes, voire à une culture différente ».
Un constat partagé par les acteurs hospitaliers eux-mêmes, s’agissant en particulier de la transmission d’informations et du suivi du dossier patient :
« Avec le GHT, on retrouve des problématiques similaires à celles qui existent entre la ville et l’hôpital : des ruptures de parcours avec une absence d’informations liées au suivi du dossier… »
« Aujourd’hui notre point de vigilance majeur dans la mise en place des parcours de soins, c’est clairement la transmission des informations dans le cadre d’un parcours patient inter-établissements. On retrouve les mêmes risques que pour n’importe quel acte technique, mais du fait d’un parcours GHT, le risque essentiel est la perte d’informations. »
« Le GHT a plutôt mis en exergue des risques existants. Par exemple, en réalisant une cartographie des risques, on s’est rendu compte que les transferts inter-établissements présentaient des risques importants de coupures, notamment pour le suivi du dossier médical. »
« Les systèmes d’information sont des facteurs de risques, de ruptures dans la chaîne d’informations du parcours, mais avoir un système opérationnel et partagé nécessite du temps et un investissement conséquent. Cela crée forcément des facteurs de risques. »
Organisation commune des activités médico-techniques
En second lieu, l’organisation en commun des activités médico-techniques, à savoir les activités de :
- biologie médicale,
- d’imagerie diagnostique et interventionnelle,
- ainsi que la pharmacie à usage intérieur (PUI).
Cette organisation en commun oblige également à repenser l’articulation entre les professionnels et implique une vigilance particulière de la part des établissements (cette organisation commune se décèle notamment à travers le développement d’hôpitaux communautaires afin de répondre à de nouveaux besoins).
La mise en commun de certains équipements et la mutualisation des plateaux techniques peuvent nécessiter de regrouper les équipes médicales et paramédicales concernées et de repenser de manière plus globale les organisations.
De surcroît, la réorganisation du circuit du médicament à l’intérieur du GHT, comme toute réorganisation, nécessite d’adapter le management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et la gestion des risques associés aux soins, en particulier pour prévenir l’iatrogénie médicamenteuse.
Enfin, une attention particulière devra être également portée à l’activité d’imagerie, tant sur les risques liés aux dysfonctionnements qu’aux exigences de qualité et sécurité spécifiques, notamment en matière de radioprotection.
Risques liés à la mutualisation de certaines fonctions hospitalières
En troisième lieu, apparaissent également des risques nouveaux liés à la mutualisation de certaines fonctions supports et au changement d’échelle. Un point que nous explique un ancien manager à l’ANAP :
« L’organisation en territoire peut en elle-même introduire de nouveaux risques. C’est l’un des points sur lesquels nous essayons d’attirer l’attention des établissements en leur demandant : à partir du moment où vous décidez de travailler ensemble, quels sont les risques ou les nouveaux risques que vous allez générer ou devoir affronter et comment vous y préparer au mieux ?
La question de l’organisation de la logistique ou celle des systèmes d’information sont des exemples tout à fait significatifs. En effet, l’harmonisation des pratiques à l’échelle du GHT et des fonctions telle que la logistique, ou la mutualisation de la stérilisation à l’échelle des établissements d’un territoire, crée des risques nouveaux dans la mesure où on étend à l’ensemble d’un territoire les conséquences possibles d’un dysfonctionnement, sans possibilité d’entre-aide, ou de dépannage entre les établissements. C’est un exemple de problématique nouvelle qui n’existait pas quand chaque établissement travaillait de manière indépendante. »