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Sécurité des soins Relations patient
Publié le 2 juillet 2021 Modifié le 26 septembre 2024
Temps de lecture : 8 minutes

Le dossier patient, outil de soins

Le dossier patient, garant de la sécurité de la prise en charge, doit être au service du soin et non l’inverse. Il doit permettre d’éviter au maximum les erreurs, oublis, incompréhensions… Il doit être compris par tous et faciliter la coordination des soins mais aussi d’aller à l’essentiel en cas d’urgence et tendre vers l’exhaustivité pour une prise en charge globale optimale.

Un dossier unique pour chaque patient

En application de l’article L. 1110-4 al.3 du CSP, « lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe ». Cette notion de « secret partagé » permet à l’ensemble des intervenants, au sein de l’équipe de soins, d’échanger librement pour les besoins de la prise en charge et de partager toutes informations utiles.

Or, ce partage passe, avant tout, par un dossier unique accessible à l’ensemble des professionnels de santé intervenant auprès du patient (médecins, sages-femmes, auxiliaires médicaux…).

accès de l’ayant au dossier médical pour protéger la mémoire du défunt cprd_0

Si ce point ne pose généralement aucune difficulté en établissement public de santé comme en ESPIC, tel n’est pas le cas en clinique où les informations concernant la prise en charge du patient sont parfois cloisonnées et dispersées dans le dossier d’hospitalisation (dossier soignant notamment), d’une part, et le dossier médical strictement dit, d’autre part.

Pourtant, la réglementation impose bel et bien un dossier unique quel que soit le type d’établissement puisque l’article R. 1112-2 du CSP dispose :

« un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé. Ce dossier contient au moins les éléments suivants ainsi classés… ». Or, l’énumération a minima du contenu du dossier vise le dossier de soins infirmiers au même titre que le dossier d’anesthésie, le compte rendu opératoire, le consentement écrit du patient, etc.

Ainsi, l’ensemble des éléments relatifs à la prise en charge du patient doit nécessairement être centralisé et structuré au sein d’un seul et unique dossier afin de pouvoir aisément suivre le parcours de soins.

Une structure commune toutes spécialités confondues

Pour qu’un dossier soit efficacement partagé par tous les intervenants à la prise en charge, une structure commune (« tuteur ») doit être utilisée, dans la mesure du possible, par l’ensemble des services de l’établissement.

Cette structure doit guider les professionnels qui alimentent le dossier et faire en sorte que la « bonne tenue » ne soit pas laissée au bon vouloir de chacun.

Attention toutefois à ne pas adopter un modèle trop standardisé qui pousserait les professionnels de santé à cocher des cases sans trop y réfléchir et, finalement, à ne plus rien écrire.

conduite à tenir lorsque l’on renseigne le dossier patient

À titre d’exemple, certains Comptes Rendus Opératoires (CRO) deviennent vides de sens faute d’informations personnalisées. On doit parfois se contenter d’une simple mention indiquant « Tout s’est bien passé ». Or, il apparaît essentiel de rappeler a minima de manière succincte l’indication opératoire avec l’examen clinique préopératoire.

La structure du dossier doit notamment :

  • Inciter à la traçabilité des informations relatives à la prise en charge tout en rappelant les règles (identification du professionnel, horodatage, mention des actes de surveillance même si les résultats sont normaux…) afin que chacun ait une idée claire sur les obligations en la matière.
  • Mettre en évidence les informations essentielles en cas de prise en charge en urgence (antécédents…) et le cas échant prévoir un système d’alerte (allergies…).
  • Isoler les informations non communicables au patient.

Par obligation réglementaire (1) et souci d’efficacité lors de la communication de copies aux patients qui les réclament, les informations non communicables doivent être regroupées et identifiées au sein du dossier.

Il s’agit des « informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tel tiers ». En pratique, il s’agit généralement des informations obtenues à l’occasion d’un échange avec un proche du patient ou de celles dévoilées par le patient lui-même à propos d’un proche. Hormis ces éléments « impliquant » un tiers dont le droit au secret est protégé au même titre que celui du patient lui-même, l’ensemble des informations concernant la santé du malade est, le cas échéant, communicable au patient qui le demande ou à son représentant légal s’il est mineur /sous tutelle.

L’accès d’un ayant droit au dossier médical, pour faire valoir un droit par exemple, est toujours source de questionnements, et il est important de s’en tenir à la réglementation établie au préalable avant de communiquer le dossier patient. La communication du dossier médical d’un patient décédé est également à envisager avec soin, et il est toujours bénéfique de se renseigner sur les modalités de communication établies par la loi avant de décider quoi que ce soit.

S’agissant des notes dites personnelles des médecins, si elles sont aujourd’hui réglementairement non communicables (2), elles présentent l’énorme inconvénient de ne pas être précisément définies (consulter la communication des notes personnelles dans le dossier patient pour plus d’informations). Or, depuis 2007, l’article L. 1111-7 du CSP garantit au patient un droit d’accès à « l’ensemble des informations concernant sa santé détenues à quelque titre que ce soit par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé… ». Hormis le problème de la définition, on se trouve en présence d’une contradiction entre la loi et le règlement qui rend le sort des notes personnelles très incertain en cas de contentieux engagé par un patient qui exigerait leur communication. Pour prévenir toute difficulté à l’occasion d’une éventuelle demande de communication, aucune note considérée comme personnelle ne doit donc être inscrite au sein du dossier patient.

  • Empêcher toute mention inappropriée étrangère au diagnostic ou au soin.

À ce titre, les commentaires subjectifs sur le patient ou sa famille n’ont pas leur place au sein du dossier. À titre d’exemple, on a pu lire « famille pénible et envahissante », « attention, patient procédurier qui prétend connaître le Ministre de la Santé »… Rappelons qu’en application de l’article 6 de la Loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, seules les informations pertinentes et non excessives au regard des finalités poursuivies peuvent être recueillies et traitées.

Les informations non communicables doivent être regroupées et identifiées.

Références

  1. Article R. 1112-2 du CSP
  2. Le décret 2012-694 du 7 mai 2012 portant modification du Code de Déontologie médicale est venu compléter l’article R. 4127-45 I du CSP : « Les notes personnelles du médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles aux patients et aux tiers ».

Un passage du papier au numérique le plus rapide possible

L’informatisation des dossiers des patients est inégalement mise en oeuvre dans les établissements de santé. En fonction des volontés et des moyens mobilisés, le passage du papier au numérique est plus ou moins facilité.

Quoi qu’il en soit, la période transitoire durant laquelle coexistent des données sur papier et des données « nées numériques » doit être la plus courte possible.

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Female Doctor sitting in her Medical Office with Stethoscope talking to Patient
Female Doctor sitting in her Medical Office with Stethoscope talking to Patient
Conseil comission d’accès aux documents-2_0 (1)

En effet, durant cette période, le risque de perte d’information est réel. Faute de partager un dossier unique centralisant l’ensemble des informations relatives au parcours de soins, les professionnels de santé peuvent à tout moment « passer à côté » d’une donnée primordiale.

Durant cette période également, on peut constater des retranscriptions potentiellement sources d’erreurs.

Conduite à tenir en cas de numérisation de documents en papier

En fin de prise en charge, pour faciliter l’archivage des dossiers, certains établissements scannent l’intégralité des documents en papier et reconstituent un dossier au format numérique. Se pose alors la question de savoir si les originaux au format papier peuvent être détruits ou s’ils doivent être conservés. La prudence recommande de conserver les papiers originaux et ce, pour deux raisons :

  • la première tient au fait que la réglementation impose aux établissements de conserver les informations de santé dans leur version originale durant 20 ans (1) à compter du dernier séjour ou de la dernière consultation externe (article R. 1112-7 du CSP), seule la saisie pénale les autorisant à s’en dessaisir ;
  • la seconde tient à des impératifs de preuve. En effet, la version numérisée de l’original papier est une copie électronique admise comme mode de preuve à la condition d’être une « reproduction fidèle et durable » (article 1348 al. 2 du Code Civil). Or, si le critère de durabilité (2) ne pose pas de difficulté particulière, le critère de fidélité, en revanche, est plus problématique puisqu’il exige que la copie « porte en elle les traces de toutes modifications ou altérations intervenues soit sur l’original avant sa reproduction soit sur la copie elle-même » (3). En pratique, aucun procédé n’est suffisamment fiable pour écarter tout risque de montage avant la numérisation (ex : modification d’un élément rendu invisible une fois le document scanné). À l’occasion d’un contentieux, si la partie adverse remet en cause l’intégrité de la copie par rapport à l’original, seule la présentation de ce dernier serait à même d’établir l’absence d’altération.

Il est important de se rappeler que le dossier patient est autant un mode de preuve qu’un outil de soins.

Si toutefois un établissement décidait de détruire les originaux au format papier par manque de place pour leur conservation, il est fortement recommandé d’établir, en interne, un « processus de reproduction » effectué avec soin et garantissant au maximum la crédibilité de la numérisation : description des opérations et sécurités mises en oeuvre (accès strict aux locaux et au logiciel réservés à quelques personnes seulement…).

Références

  1. En application de l’article L. 1223-3 du CSP, les établissements de transfusion sanguine et les établissements de santé disposant de dépôts de sang sont soumis aux bonnes pratiques issues de la décision du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (devenue Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé, ANSM) du 6 novembre 2006 qui préconisent la conservation des éléments de traçabilité des produits sanguins labiles transfusés (N° lot, identité receveur, date transfusion…) durant 30 ans. Il est donc recommandé aux établissements ayant pris en charge le receveur d’une transfusion sanguine de conserver durant ce même délai les éléments du dossier patient liés à la transfusion.
  2. « Est réputée durable toute reproduction indélébile de l’original qui entraîne une modification irréversible du support », article 1348 al. 2 Code Civil.
  3. Débats parlementaires ayant donné lieu à l’introduction de l’article 1348 dans le Code Civil.

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