La PCN : une modalité d’achat adaptée aux nouveaux besoins
Une nouvelle procédure formalisée de passation des marchés dans le cadre d’achat d’assurance a vu le jour : il s’agit de la Procédure Concurrentielle avec Négociation (PCN).
L’ordonnance N°2015-899 du 23 juillet 2015 et le décret N°2016-360 du 25 mars 2016 réformant le droit de la commande publique ont créé une nouvelle procédure formalisée de passation des marchés au-dessus du seuil européen de procédure formalisée (221 000 € HT s’agissant des marchés de services des établissements sanitaires et médico-sociaux).
Quelles sont les modalités de recours à la PCN ?
Le recours à cette procédure est conditionné : 6 cas de recours sont prévus par la réglementation (article 25 du décret N°2016-360). Compte tenu de la volonté du législateur européen de donner plus de souplesse aux pouvoirs adjudicateurs souhaitant recourir à la négociation, ces cas de recours sont plus nombreux que ceux qui étaient prévus par l’ancien code des marchés publics pour autoriser le marché négocié après publicité et mise en concurrence (article 35 I du CMP).
Historique des cas où la réglementation autorise le recours à la PCN
Il existe 6 cas de recours à la PCN :
Les pouvoirs adjudicateurs peuvent utiliser la procédure concurrentielle avec négociation ou le dialogue compétitif dans les cas suivants :
- Lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles ;
- Lorsque le besoin consiste en une solution innovante. Sont innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés. Le caractère innovant peut consister dans la mise en œuvre de nouveaux procédés de production ou de construction, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise ;
- Lorsque le marché public comporte des prestations de conception ;
- Lorsque le marché public ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s’y rattachent ;
- Lorsque le pouvoir adjudicateur n’est pas en mesure de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante en se référant à une norme, une évaluation technique européenne, une spécification technique commune ou un référentiel technique ;
- Lorsque, dans le cadre d’un appel d’offres, seules des offres irrégulières ou inacceptables, au sens de l’article 59, ont été présentées pour autant que les conditions initiales du marché public ne soient pas substantiellement modifiées. Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de publier un avis de marché s’il ne fait participer à la procédure que le ou les soumissionnaires qui ont présenté des offres conformes aux exigences relatives aux délais et modalités formelles de l’appel d’offres. »
Référence
- (Article 25 II du décret N°2016-360)
Un marché public d’assurance peut-il être passé aux termes d’une PCN?
Deux des six cas de recours prévus par la réglementation peuvent s’appliquer en matière d’assurance hospitalière :
- « Le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles » (article 25 II 1° du décret N°2016-360).
Un marché public d’assurance peut s’inscrire dans cette rubrique lorsqu’il n’existe pas de produit standard dit « sur étagère » pour répondre au cahier des charges.
Tel est notamment le cas des contrats d’assurance de responsabilité civile hospitalière qui imposent à l’assureur de réaliser une étude technique approfondie de l’activité, des risques et des besoins de l’établissement afin d’élaborer une réponse assurantielle sur mesure.
L’assurance Dommages aux Biens peut également, en raison de besoins spécifiques, s’inscrire dans cette gamme de produits sur mesure.
- « Le marché public ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s’y rattachent » (article 25 II 4° du décret N°2016-360).
Le lancement d’une consultation « Assurances » sur le périmètre d’un GHT peut s’inscrire dans cette rubrique précisément en raison de sa complexité et des risques qui s’y rattachent.
Ces deux cas de recours n’existaient pas sous l’empire de l’ancienne réglementation.
Interrogée par la Direction Juridique de Sham, en novembre 2017, la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) du Ministère de l’Economie et des Finances avait déjà eu l’occasion de confirmer que l’assurance hospitalière pouvait potentiellement s’inscrire dans l’un de ces deux cas de recours.
Plus récemment, le Tribunal Administratif (TA) de DIJON, dans une ordonnance du 19 juillet 2018, validait également le recours à la PCN pour la passation des marchés d’assurance de responsabilité civile des établissements du GHT de la Nièvre. Selon le tribunal, le recours à la PCN se justifiait au regard du cas 1° (absence de réponse standard au besoin exprimé) et du cas 4° (enjeu et complexité particulière du fait des GHT) de l’article 25 du décret « marchés publics ».
En définitive, il s’agit d’un choix de l’établissement qui, s’il voit un intérêt à dialoguer et négocier avec les candidats lors de la procédure de passation, doit justifier le recours à la PCN au vu des caractéristiques de sa consultation.
Comment se déroule une PCN ?
La Procédure Concurrentielle avec Négociation est la procédure par laquelle un pouvoir adjudicateur négocie les conditions du marché public avec un ou plusieurs opérateurs économiques autorisés à participer aux négociations.
Il s’agit d’une procédure restreinte qui se déroule en deux phases :
Première étape : les candidatures
- Publication de l’avis de marché et mise à disposition du Dossier de Consultation des Entreprises
Le pouvoir adjudicateur publie un avis de marché et met à la disposition des candidats intéressés le Dossier de Consultation des Entreprises (DCE) incluant le Règlement de la Consultation (RC) commun aux différents lots et un cahier des charges par lot. Outre les éléments habituels, doivent être définies les exigences minimales que doivent respecter les offres. Il s’agit des exigences qui ne pourront en aucun cas être négociées.
Note Bene. Pour permettre aux opérateurs de définir leur candidature en toute connaissance de cause, il est essentiel de publier le DCE complet dès la phase des candidatures (statistiques sinistres, RC, cahiers des charges).
- Réception des candidatures et contrôle de leur régularité
Le délai de réception des candidatures est déterminé par le pouvoir adjudicateur en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques (délai minimal réglementaire : 30 jours à compter de la date d’envoi de l’avis de marché).
Le pouvoir adjudicateur vérifie la régularité et le caractère complet des candidatures. En cas de candidature incomplète, le candidat peut être invité à compléter son dossier.
Les candidatures irrégulières sont écartées et les candidats dont le dossier est complet et régulier sont invités à déposer une offre.
Deuxième étape : les offres
- Réception des offres
Le délai de réception des offres est déterminé par le pouvoir adjudicateur en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques (délai minimal réglementaire : 30 jours à compter de la date d’envoi de l’invitation à soumissionner, 25 jours si les offres dématérialisées sont autorisées).
- Analyse et Négociation des offres
Le pouvoir adjudicateur négocie, avec les soumissionnaires, les offres initiales et toutes les offres ultérieures, à l’exception des offres finales.
Il peut toutefois attribuer le marché public sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d’avoir indiqué dans l’avis de marché qu’il se réservait la possibilité de le faire.
Les limites de la négociation en PCN
Les limites de la négociation découlent à la fois de la réglementation et de la jurisprudence :
- La négociation ne peut porter ni sur les exigences minimales indiquées par le pouvoir adjudicateur dans les documents de la consultation ni sur les critères d’attribution (article 73 décret 2016-360) ;
- La négociation ne doit pas conduire à altérer substantiellement l’objet ou les conditions de la consultation (CAA Marseille 27 juin 2002 N°00MA01402).
La négociation peut se dérouler en phases successives de manière à réduire le nombre d’offres à négocier en appliquant les critères d’attribution définis dans les documents de la consultation. Le pouvoir adjudicateur indique, dans l’un de ces documents, s’il fera usage de cette possibilité.
Dans la phase finale de négociation, le nombre d’offres restant à négocier doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle, pour autant qu’il y ait un nombre suffisant d’offres remplissant les conditions requises.
La négociation est conduite dans le respect du principe d’égalité de traitement de tous les soumissionnaires. A cette fin, le pouvoir adjudicateur s’abstient de donner toute information susceptible d’avantager certains soumissionnaires par rapport à d’autres.
Le pouvoir adjudicateur informe par écrit tous les soumissionnaires dont les offres sont en cours de négociation de tous les changements apportés aux spécifications techniques ou aux autres documents de la consultation. A la suite de ces changements, le pouvoir adjudicateur accorde aux soumissionnaires un délai suffisant et identique pour leur permettre de modifier leurs offres et, le cas échéant, de les présenter à nouveau.
Lorsque le pouvoir adjudicateur entend conclure les négociations, il en informe les soumissionnaires restant en lice et fixe une date limite commune pour la présentation d’éventuelles offres nouvelles ou révisées.
Rétro planning d’une consultation « Assurances » en exemple
Références
- Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : article 42.
- Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : articles 25, 33, 47, 71, 72 et 73.
- Fiche technique DAJ / Espace marchés publics (rubrique Conseils aux acheteurs) : « La procédure concurrentielle avec négociation »